Sagot :
Réponse:
Étudier le Bangladesh permet de comprendre concrètement les mécanismes à l’œuvre dans la production textile mondiale, et de prendre conscience que les vêtements que nous portons viennent de pays lointains que, souvent, nous ne savons pas placer sur une carte.
Le film de Rubaiyat Hossain Made in Bangladesh (sorti en France le 4 décembre) est une porte d’entrée intéressante pour appréhender le coût humain des délocalisations.
Cet article du quotidien bangladais anglophone The Daily Star, résumé par Courrier international, nous aide à comprendre la façon dont le film s’est fait et les enjeux sociaux, politiques et féministes qu’il défend.
Le Bangladesh au cœur de la mondialisation
Le film Made in Bangladesh raconte comment, après un énième accident meurtrier, une jeune ouvrière va tenter de créer un syndicat dans son usine textile et la violence qu’elle va devoir surmonter en tant que femme et en tant qu’ouvrière.
Même s’il s’agit d’une fiction, ce film est profondément ancré dans la réalité du Bangladesh, “le film dépeint les obstacles physiques, émotionnels et sociaux que doit surmonter une femme lorsqu’elle demande à faire respecter ses droits”.
Ce pays pauvre d’Asie du Sud connaît un développement économique soutenu depuis qu’il est devenu le deuxième exportateur de textile au monde en 2012.
Les plus grandes marques font désormais fabriquer leurs vêtements dans cet État, car le coût de la main-d’œuvre y est extrêmement bas. Ce processus se nomme “la division internationale du travail” et il est au cœur de la mondialisation actuelle.
Les coûts du transport maritime sont devenus si faibles qu’il est aujourd’hui possible pour les grandes firmes de faire fabriquer leurs produits là où les conditions sont les plus avantageuses pour elles.
On parle, en économie, d’avantages comparatifs. Les firmes du textile recherchent des pays stables où la main-d’œuvre est bon marché pour investir et externaliser leur production.
La Chine des années 1990 a un temps offert ces avantages, mais, désormais, les salariés chinois ne sont plus aussi compétitifs. Une grande partie de la production a été ainsi délocalisée en Asie du Sud.
Le Bangladesh compte aujourd’hui 4 500 usines textiles, qui font travailler plus de 35 millions d’ouvriers, essentiellement des femmes.
Le salaire minimum y est de 83 euros par mois pour 10 heures de travail par jour, 6 jours par semaine. Ces conditions de travail, très bien décrites dans le film, ne permettent cependant plus au Bangladesh de rester compétitif.
De nouveaux pays, plus pauvres, comme le Laos, le Cambodge et même l’Éthiopie, tentent à leur tour de s’insérer dans cette logique mondialisée en offrant aux investisseurs des salaires encore plus bas.
Le coût social de la compétitivité
L’enjeu du film est de montrer la tension entre cette recherche de productivité toujours plus forte et le combat que mènent les ouvrières pour obtenir de meilleures conditions de travail.
Le film de Rubaiyat Hossain puise très largement dans la réalité. En effet, la marque pour laquelle travaille l’héroïne, Shimu, se nomme Modern Apparel. On peut y voir une référence évidente à la marque American Apparel, qui a fait, en 2013, une campagne de publicité provocatrice baptisée justement “Made in Bangladesh”, dénonçant les conditions de travail indignes dans les usines bangladaises.
De même, le film fait référence à deux grands accidents qui avaient été largement commentés dans les médias, ceux de “l’usine Tazreen et du Rana Plaza […] La première catastrophe avait fait 113 morts en 2012, la seconde 1 135 morts en 2013, attirant l’attention de l’opinion mondiale sur les conditions de travail dans les usines textiles du Sud-Est asiatique”.
On le voit, ce processus d’externalisation de la production pousse les pays à se spécialiser toujours plus et entraîne une compétition entre les ouvriers du monde, qui en payent