Sagot :
Bonjour
Il y a certaines situations dans lesquelles l’action domine la parole. Prenons le cas d’une guerre par exemple. Hannah Arendt dit dans son livre "Condition de l’homme moderne" : "En de telles circonstances, qui ont évidemment toujours existé, la parole devient en effet du bavardage, ce n’est plus un moyen en vue d’une fin qu’elle serve à tromper l’ennemi ou à étourdir tout le monde à coup de propagande ; alors les mots ne dévoilent rien, la révélation ne vient que de l’acte". Ainsi dans le cas d’une guerre, la parole n’est aucunement efficace puisqu’il s’agit d’être plus fort que l’autre, de le battre pour arriver à ses fins.
Mais même l’exemple de la guerre peut servir à démontrer l’antithèse qu’on ne peut pas dissocier l’action et la parole. Car combien de guerres n’ont pas pu être terminées par l’écrasement de l’ennemi, c’est-à-dire par l’action. Ainsi elles ont été terminées pas un accord négocié en échangeant des arguments, des propositions et des paroles. Ainsi le slogan trivial "assez de mots, des actes" pose comme évidence une opposition qui n’existe pas toujours. D’abord, parler, c’est faire quelque chose. Ensuite, agir, c’est souvent faire agir, c’est-à-dire ordonner, prier, commander.
La parole peut être une arme redoutable. Cette arme a été découverte il y a bien longtemps, déjà chez les grecs anciens. Ainsi la démiurgie de la parole était à cette époque l’outil de persuasion des sophistes. Ainsi féliciter quelqu’un le rend heureux, le rabrouer le rend triste. Nous apercevons cela obscurément en éprouvant une certaine peur envers les mots. Tout se passe comme si le langage, au lieu de représenter le réel, finissait par prendre sa place. Les mots possèdent donc une véritable force. Ainsi même dans le domaine médical que l’on pourrait croire dominé par l’action, la parole y occupe une place. Par exemple le métier de psychologue qui consiste à étudier l’âme du patient (vient du grec du grec "psukhê", âme, et "logos", science). Que fait un psy ? Il soigne son patient en ayant pour seul remède la parole et l’écoute. Nous pouvons aussi prendre pour exemple l’effet Placebo. Cet effet peut être miraculeux et inexplicable, tout simplement parce seule la suggestion donnée en parlant, tout en faisant croire au sujet qu'il s'agit d'un médicament très fort et dangereux si on ne respecte pas le dosage, peut être active jusque dans le corps du sujet. Nous avons tout simplement agi sur la réalité physique du corps en passant par la puissance de la conscience. La conscience peut solliciter le pouvoir qu’a le corps de créer des molécules qui inhibent la douleur.
Comme démontré précédemment l’action peut avoir lieu sans la parole dans le cas précis d’une guerre. La parole peut avoir lieu sans l’action, dans le cas précis de la psychologie. Mais nous pouvons affirmer que l’un n’exclut pas l’autre. Les "Speech actes" nous révèlent que nous ne pouvons pas dissocier ces deux termes car "speech actes" assemble les deux notions, et traduit en français cela donne "actes de langage". Les actes de langage sont plus nombreux qu’on ne pense. Qu’est-ce que prêter, par exemple prêter quelque chose à quelqu’un, sinon dire qu’on prête ? En tout cas sans la parole, l’action perdrait son caractère révélatoire ainsi que son sujet. Dans ce cas il n’y aurait plus que des robots exécutant des actes qui seraient incompréhensibles.
Bien qu’en cas de guerre l’action soit dominante ou bien dans le cadre de la psychologie ce soit la parole qui ait le dessus, nous pouvons conclure qu’il ne faut pas choisir entre la parole et l’action mais que l’un n’exclut pas l’autre. La parole étant très étroitement liée à la pensée (on parle aussi de parole intérieure), le proverbe de Gustave Le Bon parait dans ce cas très approprié : "La pensée sans action est un vain mirage, l’action sans pensée est un vain effort".
Il serait intéressant de prolonger notre pensée sur le monde animal, "les animaux agissent-t-ils toujours par instinct et par réflexes ou parviennent-t-ils grâce à la communication à agir de leur propre gré ?"