Louis Aragon, « Strophes pour se souvenir »
A l'aide de la vidéo de la chanson reprise par B. Lavilliers, et du poème initiale au verso, répondez aux questions suivantes en rédigeant vos réponses.
En 1955, à l’occasion de l’inauguration d’une rue « Groupe Manouchian » à Paris, Louis Aragon écrit le poème « Strophes pour se souvenir ». Il y rend hommage à ces résistants « étrangers » arrêtés par les Allemands et fusillés le 21 février 1944. Onze ans après la fin du conflit, l’heure n’est plus à la lutte mais au devoir de mémoire. Le titre du poème annonce de manière claire le projet de lecture : il s’agit d’utiliser la forme poétique (« Strophes ») afin de lutter contre l’oubli et la banalisation du mal (« pour se souvenir »). En effet, avant d’être un résistant, Manouchian était un intellectuel (qui avait fondé deux revues littéraires) et un poète. Autant que le partisan, c’est donc l’homme de lettres qu’Aragon célèbre ici.
1. Repérez 4 situations d'énonciation différentes dans ce poème. Indiquez les lignes et précisez qui s'adresse à qui, quand et pourquoi. Quels moyens typographiques vous ont-ils permis de répondre ?
2. Comment sont décrits les résistants ? Trois éléments de réponses sont attendus.
3. La deuxième strophe fait ouvertement référence à « l'affiche rouge ». Quels éléments y retrouvez-vous ? (Trois éléments sont attendus.)
4. Relisez les vers 19 à 30.
a) Ces vers reprennent les phrases de la dernière lettre de M. Manouchian à sa bien-aimée, Mélinée. Que permettent-ils au poète ?
b) Quelle figure de style relevez-vous dans les vers 21 et 22 ? Quel est son effet ?
c) Quels éléments poétiques relevez-vous dans ces vers 21 et 22?
d) Montrez que ces vers sont destinés à la fois à Mélinée mais aussi à toute l'humanité.
5. Relevez les mots du champ lexical de « l'ombre et la lumière ».
6. a) Dans la dernière strophe, relevez l'anaphore et indiquez l'effet produit.
b) Relevez les groupes de mots qualifiant les vingt-trois fusillés. Que veut montrer Aragon ?
7. Conclusion : Selon vous, quel est le but de ce poème engagé, pour les générations à venir ?

Strophes pour se souvenir
1 Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servi simplement de vos armes
5 La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
10 Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
15 Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
20 Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
25 Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
30 Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
35 Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant. Louis Aragon, Le Roman Inachevé

Troisième situation d'énonciation = paroles rapportées de Missak Manouchian, réécriture de sa lettre, utilisation de la première personne du singulier ("je") + adresse à sa femme Mélinée. (en italique dans le texte).

Quatrième situation d'énonciation = rétrospection, retour à une narration avec anaphore (dernière strophe)

2. Les résistants sont décrits comme des héros, des martyrs, des hommes porteurs d'histoire, d'espoir, des figures de courage. Des étrangers qui ont donné leur vie à la France.

3. On y retrouve la couleur de l'affiche ("l'affiche qui semblait une tâche de sang"), les photos des résistants qui paraissent menaçants ("noirs de barbe et de nuit, hirsutes, menaçant"), et les noms des résistants ("parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles").

4. a) Ils permettent au poète de réécrire ce message d'espoir en donnant directement la parole au chef du groupe.

b) On retrouve une anaphore du mot "Adieu". Cela renforce le caractère dramatique de l'exécution de ces résistants qui ont oeuvré pour la libération mais qui n'ont jamais pu y goûter.

c) On peut repérer une énumération, le champ lexical de la nature, une anaphore et une antithèse (la peine / le plaisir).

d) Ce sont des vers qui transmettent un espoir certain. Leur portée est universelle : il s'adresse à sa femme, mais aussi au reste de l'humanité, à ceux "qui vont demeurer dans la beauté des choses", qui vont avoir le loisir de vivre dans un pays libéré, en temps de paix.

5. [La réponse est assez facile, je te laisserai la faire, je n'ai pas le temps]

6. a) "étrangers" "nos frères" "amoureux de vivre à en mourir" "qui criaient la France en s'abattant".

Aragon veut montrer que ces hommes, s'ils étaient étrangers, ont donné leur vie pour la France. Il veut montrer que ces hommes sont donc les frères du peuple français, ce sont des héros, c'étaient des hommes plein de vie.

7. Le but est que les générations à venir se souviennent de ce que les résistants ont donné, ont fait, ont perdu pour que leurs descendants puissent vivre en paix. Le titre du poème fait écho à cette idée de devoir de mémoire : "Strophes pour se souvenir".

Voilà, j'espère que ça pourra t'aider !

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