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compter que l'une
Il quitta le bureau au milieu de l'après-midi pour aller dans un pub voisin où il commanda
un Canada Dry, le dégustant avec la mâle assurance du buveur de whisky certain de ne pas
dévier dans l'ivresse. Et rien qu'en jetant un vague regard derrière lul, il repéra immédiatement
une jeune femme qui lui parut digne de se donner à lui. Elle était très joliment faite, un peu timide
sans doute, mais l'air pas trop farouche et fort mignonne. Pour un homme peu habitué à la
drague, il avait eu du flair et le coup d'oeil. Grâce à Pink, Floc, Crash, Zoung, Blom ou Scratch
sans doute.
Sans hésiter, il l'invita à prendre un verre à sa table. Elle le regarda de haut en bas, eut
presque l'air de le humer, accusa alors un léger mouvement de recul impressionné.
- M'asseoir à votre table ? dit-elle d'une voix essoufflée. Je n'oserais jamais. Vous êtes
vraiment trop pour moi.
Il la rassura, l'enjôla, la cajola du regar de la parole et, à peine une heure plus tard, il se
retrouvait avec elle dans son petit appartement de célibataire. Il lui servit un Martini blanc, ne prit
rien et lui demanda de l'excuser un instant après lui avoir délicatement effleuré les lèvres. Il
ressentait le besoin de se raser de près.
. Il entra dans sa minuscule salle de bains où la jeune femme, subjuguée, le suivit. Il
s'aspergea de mousse à raser Williams surglobulée par l'anoline R4 diluée dans du menthol
vitaminé, puis il prit son rasoir Gillette et vit sa compagne se décomposer.
- Non, balbutia-t-elle, oh! non ! Moi qui croyais que vous seriez mon idéal... Mon rêve de
perfection masculine... Mais ce n'est pas avec Contour Gillette que vous vous rasez, c'est avec
Gillette G. II... Rien ne sera jamais possible...
Il n'eut même pas le temps de la rattraper, déjà elle avait ouvert et refermé la porte derrière elle.
Jacques Sternberg, Histoires à dormir sans vous, 1990.

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