Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le
Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers
chevriers.
Garlaban, c'est une énorme tour de roches bleues,
plantées au bord du Pan de l'Aigle, cet immense
plateau rocheux qui domine la verte vallée de
l'Huveaune.
La tour est un peu plus large que haute: mais
comme elle sort du rocher à six cents mètres
d'altitude, elle monte très haut dans le ciel de
Provence, et parfois un nuage blanc du mois de
juillet vient s'y reposer un moment.
Marcel Pagnol, La Gloire de mon père.
une
J'étais presque mort quand je vins au jour. Le
mugissement des vagues, soulevées par
bourrasque annonçant l'équinoxe d'automne
empêchait d'entendre mes cris: on m'a souvent
conté ces détails; leur tristesse ne s'est jamais
effacée de ma mémoire. Il n'y a pas de jour, où,
rêvant à ce que j'ai été, je ne revois en pensée le
rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère
m'infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon
premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un
nom que j'ai presque toujours traîné dans le malheur.
Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances
pour placer dans mon berceau une image de mes
destinées.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, 1848.
J'entreprends d'écrire l'histoire de ma vie
jour par jour. Je ne sais si j'aurai la force de remplir
ce projet, déjà commencé à Paris. Voilà une faute de
français ; il y en aura beaucoup, parce que je prends
pour principe de ne pas me gêner, et de n'effacer
jamais. Si j'en ai le courage, je reprendrai au 2
ventôse, jour de mon départ de Milan, pour aller
rejoindre le Lieutenant général Michaud à Vérone.
Stendhal, Journal, 1801-1817.
Je suis née le 23 décembre 1891. Ma mère
m'a dit que, ce soir là, une bise aigre et glaciale
balayait notre coron, charriant des nuages de poudre
blanche qui collait aux murs de brique et
s'engouffrait sous les portes... Depuis une heure,
elle s'était couchée, ma maman, dès les premières
douleurs. Elle n'allait plus se lever neuf jours
durant...
Papa avait préparé le lit avec des draps
réservés aux naissances, plus fins, moins rudes que
ceux qui, d'ordinaire, garnissaient leur couche.
Serge Grafteaux, Mémé Santerre, une vie, 1976
C'est un gosse qui parle. Il a entre six et seize
ans, ça dépend des fois. Pas moins de six, pas plus
de seize. Des fois il parle au présent, et des fois au
passé. Des fois, il commence au présent et il finit au
passé, et des fois l'inverse. C'est comme ça, la
mémoire, ça va, ça vient. Ça ne rend pas la chose
plus compliquée à lire, mais pas du tout, mais j'ai
pensé qu'il valait mieux vous dire avant;
C'est rien que du vrai. Je veux dire, il n'y a rien
d'inventé.
L'être que j'appelle moi vint au monde un
certain lundi 8 juin 1903, vers les huit heures du
matin, à Bruxelles, et naissait d'un Français
appartenant à une vieille famille du Nord, et d'une
Belge dont les ascendants avaient été durant
quelques siècles établis à Liège, puis s'étaient fixés
dans le Hainaut. La maison où se passait cet
événement, puisque toute naissance en est un pour le
père et la mère et quelques personnes qui leur
tiennent de près, se trouvait située au numéro 193 de
l'Avenue Louise, et a disparu il y a une quinzaine
d'années, dévorée par un building.
Marguerite Yourcenar, Archives du Nord, 1977
Raconter sa vie, c'est une idée que des amis
ont pour nous quelquefois : « Pourquoi ne racontez-
vous pas votre vie ? » oui, pourquoi ? Par humilité ?
Non, l'orgueil suffirait bien à nous en détourner.
D'ailleurs, que raconterions-nous, si nous ne fûmes
que peu mêlés aux événements et si nous n'avions
rien un de nrée ?
Pour chacun des textes, travaillez les p
1. Donnez votre première impression
2. Quel semble être l'objectif du texte ?
3. Quelle est l'originalité du texte (ce qui vous frappe sur ce
texte particulièrement)?
ts suivants :