Sagot :
Réponse :
"Vous me demandez, frère, si j'ai aimé ; oui. C'est une histoire singulière et terrible, et, quoique j'aie soixante-six ans, j'ose à peine remuer la cendre de ce souvenir. Je ne veux rien vous refuser, mais je ne ferais pas à une âme moins éprouvée un pareil récit. Ce sont des événements si étranges que je ne puis croire qu'ils me soient arrivés. j'avais vingt ans et la tête ^pleine d'espoir de réussite et déjà des rêves d'amour. Je me promenais comme un dandy sur l'esplanade des Tourelles que vous connaissez et qui mène au grand parc. j'allais en échafaudant des plans pour me faire une place dans la société. Carnet en poche et crayon à la main, je remarquai une statue de bronze que le temps avait verdi. Un corps de femme, de jeune fille devrais-je dire, au buste dénudé et aux jambes drapées dans les plis d'une étoffe. La tête légèrement inclinée me regardait, il m'a semblé. Je me suis arrêté, je me suis assis sur le banc voisin et j'ai commencé, comme je le fais souvent, à croquer la silhouette. Absorbé dans l'ébauche, je remarquai quand même que le tête bougeait, qu'un sourire éclairait le visage. Impossible me suis-je dit. Je me suis levé, me suis approché, le bras s'est avancé. C'est la fatigue ou l'exaltation pensai-je. je me levai et partis. je revins le lendemain à la même heure puis le surlendemain et ainsi de suite pendant des jours. la statue prenait chaque jour une posture différente et rendait le dessin que je voulais faire impossible. Je fis des recherches, questionnais les notables et sus enfin qu'il s'agissait de X.