Sagot :
Réponse :
Les pleins pouvoirs ont à peine été votés à Viktor Orbán par le Parlement hongrois que le Premier ministre nationaliste et conservateur en abuse déjà. Alors que l'état d'urgence en vigueur jusqu'à une date encore inconnue permet au gouvernement de légiférer par décrets et de suspendre des lois en vigueur, il a tenté d'introduire une nouvelle disposition législative tard dans la nuit de mardi à mercredi.
Au motif de rendre plus efficace la lutte contre le coronavirus, elle prévoyait de réduire l'autonomie politique des maires. Sous l'état d'urgence, les maires peuvent prendre leurs décisions seuls, sans consulter les assemblées municipales, ce qui renforce normalement leur pouvoir. Mais le texte du gouvernement proposait de soumettre toutes leurs décisions à un comité local de défense, qui aurait eu cinq jours pour les entériner ou les rejeter.
Explications :Cette disposition ne vise pas les maires par hasard. Les élections municipales de l'an dernier ont été un succès relatif pour l'opposition, le premier en dix ans et l'arrivée d'Orbán au pouvoir. Grâce à des coalitions très larges, elle s'est emparée des principales grandes villes du pays, et notamment la capitale Budapest. Son nouveau maire, Gergely Karácsony, s'est élevé contre cette nouvelle disposition. «Cette proposition ne serait pas seulement dangereuse pour notre démocratie. Elle rendrait aussi la lutte contre le coronavirus très compliquée, a-t-il expliqué au Guardian. Si des soldats, des policiers et des délégués du Fidesz [c'est-à-dire ceux qui siègent dans les comités locaux de défense, ndlr] doivent se prononcer sur des questions locales qu'ils ne connaissent pas, et ont cinq jours pour le faire, nous perdons un temps précieux.» La Hongrie compte 585 cas avérés et 21 morts, mais le nombre de cas réels est probablement bien supérieur, très peu de tests ayant été réalisés.
Vers une exclusion du PPE ?
Face à la levée générale de boucliers des maires, le gouvernement a fait machine arrière. «Nous souhaitons assurer une coopération la plus large possible, sans tenir compte des affiliations partisanes, c'est pourquoi nous retirons la mesure», a expliqué le chef de cabinet de Viktor Orbán. Une autre disposition, qui n'a, elle, rien à voir avec la lutte contre le coronavirus, a par contre été maintenue. Elle prévoit de faire figurer «le sexe à la naissance» sur tous les documents officiels, à la place de la simple mention «sexe». Le mémorandum du texte du gouvernement, disponible sur le site du Parlement hongrois depuis mardi, indique clairement que «changer son sexe biologique est impossible». Ce qui empêcherait de fait toute personne souhaitant faire reconnaître son identité de genre de le faire sereinement, une possibilité légale introduite en 2018 par la Cour constitutionnelle hongroise et contre laquelle le gouvernement ultraconservateur souhaitait riposter.
Ces nouvelles inquiétantes pourraient enfin pousser le Parti populaire européen (PPE) à exclure de ses rangs le Fidesz de Viktor Orbán, qui en est officiellement suspendu depuis l'année dernière. Le nouveau président du PPE, Donald Tusk, a rappelé le 1er avril dans une lettre destinée aux cadres du parti que «l'état d'urgence devait servir aux gouvernements à combattre le virus, et non à renforcer leurs propres pouvoirs aux dépens des citoyens» et incité à réfléchir à nouveau au sort du Fidesz. Treize formations politiques membres du PPE n'ont pas tardé à le prendre au mot, et à l'appeler dans une lettre datée du 2 avril, à «exclure le Fidesz» de la famille de la droite européenne. Parmi eux, Nouvelle Démocratie, le parti du Premier ministre grec, mais nulle trace de la CDU, qui fait la pluie et le beau temps au sein du groupe.