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Histoire de l’anaphore L’anaphore (du grec anaphora qui veut dire « porter à nouveau »), vient, à l’instar de la plupart de nos figures de style, de la rhétorique antique. Il s’agit même de l’une des figures les plus anciennes de cette discipline. Elle est citée dans le manuel de rhétorique La Rhétorique à Herennius, qui date du premier siècle avant l’ère chrétienne, comme étant un excellent procédé pour donner du « brillant » au style de l’orateur. Par la suite, l’anaphore a été largement utilisée en littérature et surtout dans le domaine de la poésie. En effet, les poètes aiment jouer avec les sonorités et l’anaphore permet de répéter un son ou un groupe de mots, ce qui produit un effet d’insistance et une certaine musique. L’autre domaine dans lequel l’anaphore a été largement utilisée est la politique. On peut citer le célèbre discours de Malraux prononcé lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon avec la répétition du mot « avec », ou encore le discours du général de Gaulle lors de la libération de Paris. Plus récemment, l’anaphore a été largement utilisée par François Hollande (le fameux « moi président de la République »). Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi — et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. Avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses. Avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit… – Extrait du discours de Malraux. Définition de l’anaphore L’anaphore consiste donc en la répétition du même mot ou d’un même groupe de mots en tête d’une phrase ou d’un vers. Répéter un mot est souvent mal vu lorsque l’on rédige, c’est pour cela qu’il faut savoir bien identifier l’anaphore qui résulte d’une intention de l’auteur. Cette figure de style permet de mettre en valeur le mot ou les mots répétés grâce à un effet d’insistance. Selon les contextes, l’anaphore peut être utilisée pour insister sur certaines sonorités (surtout en poésie), ou pour renforcer un propos pour convaincre (dans un discours politique par exemple). L’anaphore est également très utilisée dans la littérature polémique pour signifier l’urgence d’une situation (par exemple le fameux J’accuse de Zola). La répétition intervient en général en début de phrase parce que c’est ce que l’on voit en premier, mais il existe aussi une anaphore de fin de phrase. On l’appelle l’épiphore. (« Je ne m’arrêterai jamais ! Je n’abandonnerai jamais ! Je ne me retirerai jamais ! ») Il ne faut pas confondre la figure de style avec l’anaphore en grammaire. Cette dernière sert à remplacer un mot ou un groupe de mots qui a été employé précédemment dans un texte ou dans une phrase. (Par exemple : « Michel s’avançait prudemment dans l’allée parce qu’il y avait du verglas. Malgré ces précautions, il chuta lourdement. ») Exemples d’anaphores “Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré !” – Charles de Gaulle, extrait du discours du 25 août 1944. “Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres. / Salut à celles et à ceux qu’on bâillonne, qu’on persécute ou qu’on torture, qui veulent vivre et vivre libres.” – François Mitterrand, Discours de Cancun, 20 octobre 1981. “Rome, l’unique objet de mon ressentiment ! / Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !” – Corneille, Horace, IV, 5. “Il y a des petits ponts épatants / Il y a mon cœur qui bat pour toi / Il y a une femme triste sur la route” – Guillaume Apollinaire, « Il y a », Poème à Lou. “Semblable à la nature… / Semblable au duvet, / Semblable à la pensée…” – Michaux, Souvenirs. “Un jour, / Un jour, bientôt peut-être. / Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.” – Michaux, « Clown ». “Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps / Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant / Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir” – Aragon, Strophes pour se souvenir. “Il y aura des fleurs tant que vous en voudrez / Il y aura des fleurs couleur de l’avenir” – Aragon, Le Musée Grévin. “Le limon se fendille, il grille et s’éparpille / Le limon s’épaissit et devient une étoffe / Le limon s’éparpille et devient limitrophe.” – Raymond Queneau, Petite Cosmogonie portative. “J’ai vu lever le jour, j’ai vu lever le soir / J’ai vu grêler, tonner, éclairer et pleuvoir / J’ai vu peuples et rois, et depuis vingt années / J’ai vu presque la France au bout de ses journées.” – Pierre de Ronsard, Dédicace à Nicolas de Neufvillet.