Sagot :
En l’an de grâce 1774, je débute ce journal pour y
consigner mon aventure. Nous sommes le 20 ou le 22 juin, je ne pourrais le
préciser. Je suis le commandant en second Philippe Dumas et je sers sur le « Royauté »,
le plus gros navire marchand de La Rochelle. J’entre à peine dans ma quarante-troisième
année mais j’en ai déjà passé plus de trente en mer. La mer est ma seconde
patrie, après la France et le Roi. Me voilà donc exilé sur une île apparemment
déserte, devenu commandant d’un navire coulé. Dieu a épargné ma vie aussi
puisse-t-Il bénir mes camarades qui n’ont pas eu cette chance. Il semblerait en
effet que je sois le seul rescapé d’un terrible naufrage au milieu du Pacifique.
La nuit de l’accident, nous tentions de mettre le cap vers la haute mer car des récits de voyage avaient signalé des récifs dans la zone où nous nous trouvions. Le ciel était dégagé à l’est où l’on pouvait admirer les astres scintillants. L’ouest semblait plus opaque et n’offrait aucune lisibilité. Nous débutions notre manœuvre lorsque le vent se leva avec force tandis que des grêlons gros comme des œufs s’abattaient sur le pont du navire. Peu d’hommes s’y trouvaient car les autres prenaient du repos en cale. Et pendant que la mer devenait moutonneuse, notre bâtiment tanguait sous la force des éléments conjugués. A la grêle succéda une pluie implacable et la mer devint féroce. Tout s’enchaîna alors très vite : alors que le navire gitait violemment, nous heurtâmes brusquement un récif et un grand bruit de bête blessée se fit entendre. Déjà, la poupe s’enfonçait alors que nous tentions désespérément de la redresser. Les messages relayés me faisaient savoir que des hommes écopaient mais que la mer gagnait du terrain. Le commandant n’apparut pas et j’eus alors à prendre la décision la plus difficile de mon existence : il fallait évacuer. La foule en panique se pressa alors sur le pont mais je savais que la majorité ne savait pas nager. J’ordonnai donc de remplir les barques tandis que la mer dévorait les entrailles du bateau. Je décidai de me jeter à l’eau juste au dernier moment. Je m’éloignai à la nage car je savais que le navire emporterait tout vers le fond dans son sillage. Des carcasses de tonneaux flottaient un peu partout aussi, je décidai de m’y accrocher au cas où je serais épuisé. Puis …
Puis je me réveillai sur un rivage ; j’avais dû perdre conscience mais je ne savais combien de temps. Je fus ébloui par l’intensité du soleil et assommé par la chaleur. Le sable était doux, fin et blanc. Mais il me fallait boire et cette urgence me poussa à rassembler mes forces pour chercher le précieux liquide. Je ne vis personne alentour et pour la première fois depuis longtemps, j’eus un sentiment de solitude. Je me dirigeai droit vers la bande de végétation en lisière de plage, en me disant que si tout était si vert, c’était qu’il y avait de l’eau. Marcher devenait un supplice mais il me fallut frayer mon chemin au travers de la forêt un bon moment avant d’entendre le doux bruit d’une cascade. Une fois désaltéré et rafraîchi, il me fallut constater que le seul compagnon qui me restait était le journal du « Royauté ». Il avait été préservé malgré l’encre délavée par la mer. C’est ainsi que j’entrepris, la mort dans l’âme, la rédaction du journal de mon exil.
La nuit de l’accident, nous tentions de mettre le cap vers la haute mer car des récits de voyage avaient signalé des récifs dans la zone où nous nous trouvions. Le ciel était dégagé à l’est où l’on pouvait admirer les astres scintillants. L’ouest semblait plus opaque et n’offrait aucune lisibilité. Nous débutions notre manœuvre lorsque le vent se leva avec force tandis que des grêlons gros comme des œufs s’abattaient sur le pont du navire. Peu d’hommes s’y trouvaient car les autres prenaient du repos en cale. Et pendant que la mer devenait moutonneuse, notre bâtiment tanguait sous la force des éléments conjugués. A la grêle succéda une pluie implacable et la mer devint féroce. Tout s’enchaîna alors très vite : alors que le navire gitait violemment, nous heurtâmes brusquement un récif et un grand bruit de bête blessée se fit entendre. Déjà, la poupe s’enfonçait alors que nous tentions désespérément de la redresser. Les messages relayés me faisaient savoir que des hommes écopaient mais que la mer gagnait du terrain. Le commandant n’apparut pas et j’eus alors à prendre la décision la plus difficile de mon existence : il fallait évacuer. La foule en panique se pressa alors sur le pont mais je savais que la majorité ne savait pas nager. J’ordonnai donc de remplir les barques tandis que la mer dévorait les entrailles du bateau. Je décidai de me jeter à l’eau juste au dernier moment. Je m’éloignai à la nage car je savais que le navire emporterait tout vers le fond dans son sillage. Des carcasses de tonneaux flottaient un peu partout aussi, je décidai de m’y accrocher au cas où je serais épuisé. Puis …
Puis je me réveillai sur un rivage ; j’avais dû perdre conscience mais je ne savais combien de temps. Je fus ébloui par l’intensité du soleil et assommé par la chaleur. Le sable était doux, fin et blanc. Mais il me fallait boire et cette urgence me poussa à rassembler mes forces pour chercher le précieux liquide. Je ne vis personne alentour et pour la première fois depuis longtemps, j’eus un sentiment de solitude. Je me dirigeai droit vers la bande de végétation en lisière de plage, en me disant que si tout était si vert, c’était qu’il y avait de l’eau. Marcher devenait un supplice mais il me fallut frayer mon chemin au travers de la forêt un bon moment avant d’entendre le doux bruit d’une cascade. Une fois désaltéré et rafraîchi, il me fallut constater que le seul compagnon qui me restait était le journal du « Royauté ». Il avait été préservé malgré l’encre délavée par la mer. C’est ainsi que j’entrepris, la mort dans l’âme, la rédaction du journal de mon exil.