Quels sont les systèmes de temps dans ces textes ?
Texte 1
Reine au berceau
1542-1548
A l'âge de six jours Marie Stuart est reine
d'Écosse: dès le commencement de sa vie
s'accomplit la loi de son destin qui veut qu'elle
reçoive tout trop tôt de la fortune pour pouvoir en
jouir consciemment. Lorsqu'elle vient au monde au
château de Linlithgow, en ce sombre jour de
décembre 1542, son père Jacques V agonise dans
un château voisin, à Falkland; il n'a que trente et un
ans et cependant il est déjà écrasé par la vie, las de
la lutte, las de la couronne. C'était un homme brave,
chevaleresque et naguère d'humeur joyeuse, un ami
passionné des arts, des femmes et un roi familier
avec ses sujets: souvent, on l'avait vu sous un
déguisement aux fêtes de village, où il dansait et
plaisantait avec les paysans; il était l'auteur de plu-
sieurs chansons ou ballades qui lui survécurent
longtemps dans la mémoire du peuple. Mais cet
héritier infortuné d'une race malheureuse, né à une t
époque barbare, dans un pays insubordonné, était
prédestiné à un sort tragique. Un voisin autoritaire
et sans scrupules, Henri VIII, le presse d'introduire
la Réforme dans ses États. Jacques V résiste et reste
fidèle à l'Église; les nobles Écossais, toujours heu-
reux de créer des difficultés à leur souverain, pro-
fitent de ce désaccord pour inquiéter et pousser à la
guerre cet homme d'esprit enjoué et pacifique.
Marie Stuart, Stefan Zweig,
Texte 2
5 mai.
Retenu une place dans le rapide pour Paris
de mercredi. Pris cette décision brusquement
hier soir, au retour d'une visite à Vence, où
j'allais m'assurer de deux chambres au
domaine de la Conque pour Mine Théo et
pour moi. Mais, tout bien calculé, je ne puis
me permettre cette dépense;let du reste je ne
vois plus que complication fatigante dans ce
projet. Je n'ai pas le regret facile et sais me
persuader aisément que ce que je suis amené à
faire, libre ou contraint, est ce qu'il y avait lieu
de préférer. Curieux mécanisme de mon
esprit, tout instinctif, en vue de protéger son
12 équilibre et son bonheur.
6 mal.
Et pourtant, comme afin de me retenir, la
campagne, hier, se parait de mille grâces « ainsi
qu'aux plus beaux jours». L'air était léger; le
ciel, ineffablement pur. Une tiédeur, plus
exquise d'avoir été plus longtemps attendue,
semblait inviter tout l'être à l'épanouissement
dans la joie. Pourquoi mettre mes phrases à
l'imparfait? Ce matin, c'est la même
22 splendeur; à faire douter, si l'on n'a pas
imaginé cette ombre atroce que la guerre jette
sur nos pensées.
André Gide, Journal, «Année 1940 >>