Expliquez le texte suivant :
«Il faut, je pense, compter avec le fait que chez tout homme existent des tendances
destructives, donc antisociales et anticulturelles, et que, chez un grand nombre de personnes,
ces tendances sont assez fortes pour déterminer leur comportement dans la société humaine.
Ce fait psychologique acquiert une importance décisive quand il s'agit de porter un
jugement sur la civilisation. On pouvait d'abord penser que l'essentiel de celle-ci était la
conquête de la nature afin d'acquérir des ressources vitales, et que les dangers qui menacent
la civilisation seraient éliminés par une répartition juste des biens ainsi acquis entre les
hommes ; mais il semble maintenant que l'accent soit déplacé du matériel sur le psychique.
La question décisive est celle-ci: réussira-t-on à diminuer le fardeau qu'est lè sacrifice des
pulsions et qui est imposé aux hommes ? A réconcilier les hommes avec les sacrifices qui
demeureront nécessaires, et à les dédommager de ceux-ci ? on peut tout aussi peu se passer
de la domination des foules par une minorité que de la contrainte qui impose les labeurs de
la civilisation, car les foules sont inertes et inintelligentes, elles n'aiment pas les
renoncements à l'instinct, on ne peut les convaincre par des arguments de l'inéluctabilité de
ceux-ci [...]. Ce n'est que grâce à l'influence de personnes pouvant servir d'exemple, et
qu'elles reconnaissent comme leurs guides, qu'elles se laissent inciter aux labeurs et aux
renoncements sur lesquels repose la civilisation. Tout va bien quand ces chefs sont doués
d'une vision supérieure des nécessités vitales et se sont élevés jusqu'à la domination de
leurs propres désirs instinctifs. Mais un danger existe afin de ne pas perdre l'influence dont
ils jouissent, c'est de céder aux foules plus que les foules ne leur cèdent. >>
FREUD