À la fin du roman La Grammaire est une chanson douce, Jeanne et Thomas attendent avec tous les habitants, y compris le directeur-girafe, que leurs parents viennent les chercher sur l'île, en hydravion. 1 5 Tu mens: tu regardes de l'autre côté ! Jeanne a raison. Vos parents arrivent chacun d'un bout du monde. Nous baissâmes la tête. On a beau s'entraîner, on a toujours du mal à croire ses parents séparés. [...] Je le vois, cria Thomas, montrant l'ouest. Je le vois aussi ! Je restais muette. Accompagnés par leur cortège de paroles volantes, les deux hydravions amerrissaient côte à côte. 10 D'une petite voix blanche, je réussis à poser la question qui me brûlait la langue. - Et les mots... ils peuvent faire recommencer l'amour ? Monsieur Henri hocha la tête. Ce jour-là, il portait drôlement sa guitare, le manche sur l'épaule. Tu me permets d'être franc, Jeanne ? Tu es grande maintenant, presque une adulte. 15 Alors je vais te dire la vérité. Pas toujours, Jeanne. Les mots ne peuvent pas toujours faire recommencer l'amour. Ni les mots, ni la musique. Hélas. Un orchestre s'était approché, deux trompettes, au moins dix tambours, ils jouaient joyeu- sement pour nous, de plus en plus fort. Monsieur Henri dut me crier la suite. Mais ça n'empêche pas d'essayer. On essaie, Jeanne, depuis dix mille ans, on essaie 1 - 20 tous... Les deux hydravions s'étaient arrêtés, portes encore fermées, au milieu de la lagune'. Les oiseaux, jaloux de tous ces évènements, boudaient très haut dans le ciel. Érik Orsenna, La Grammaire est une chanson douce, chap.21 1- Lagune: (n.f.) étendue d'eau de mer, comprise entre la terre ferme et un cordon littoral.​