I
L'année dernière, je fus invité, ainsi que deux de mes camarades d'atelier, Amigo
Cohic et Pedrino Borgniol, à passer quelques jours dans une terre au fond de la
Normandie.
Le temps, qui, à notre départ, promettait d'être superbe, s'avisa de changer tout à
5 coup, et il tomba tant de pluie, que les chemins creux où nous marchions étaient
comme le lit d'un torrent.
Nous enfoncions dans la bourbe jusqu'aux genoux, une couche épaisse de terre
grasse s'était attachée aux semelles de nos bottes, et par sa pesanteur ralentissait
tellement nos pas, que nous n'arrivèmes au lieu de notre destination qu'une heure
10 après le coucher du soleil.
Nous étions harassés; aussi, notre hôte, voyant les efforts que nous faisions pour
comprimer nos baillements et tenir les yeux ouverts, aussitôt que nous eûmes
soupé, nous fit conduire chacun dans notre chambre.
La mienne était vaste; je sentis, en y entrant, comme un frisson de fièvre, car il
15 me sembla que j'entrais dans un monde nouveau.
Extrait de La Cafetière, nouvelle de Théophile Gautier, publiée en 1831.
QUESTIONS DE COMPRÉVENSION ET D'INTERPRÉTATION:
1) Pourquoi le récit est-il raconté à la première personne du singulier ? Le récit aurait-il
pu être raconté par un narrateur extérieur ? Justifiez votre réponse
2)
a) Dans quel état physique se trouve le narrateur avant d'entrer dans la chambre?
b) En quoi cela peut-il influencer sa perception des choses?