Il m'obsède ce retour. Pas un jour sans que le pays ne se rappelle à moi. Un bruit furtif, une odeur diffuse, une lumière d'après-midi, un geste, un silence parfois suffisent à réveiller le souvenir de l'enfance. « Tu n'y trouveras rien, à part des fantômes et un tas de ruines », ne cesse de me répéter Ana, qui ne veut plus jamais 5 entendre parler de « ce pays maudit ». Je l'écoute. Je la crois. Elle a toujours été plus lucide que moi. Alors je chasse cette idée de ma tête. Je décide une bonne fois pour toutes que je n'y retournerai plus. Ma vie est ici. En France. Je n'habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d'un lieu, l'anfractuosité de l'environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne 10 fais que passer. Je loge. Je crèche. Je squatte. Ma cité est dortoir et fonctionnelle. Mon appartement sent la peinture fraîche et le linoléum neuf. Mes voisins sont des parfaits inconnus, on s'évite cordialement dans la cage d'escalier. Je vis et travaille en région parisienne. Saint-Quentin-en-Yvelines. RER C. Une ville nouvelle, comme une vie sans passé. Il m'a fallu des années pour m'intégrer, 5 comme on dit. Avoir un emploi stable, un appartement, des loisirs, des relations amicales. A quel temps est conjugué le texte?