Bonjour, svp
Description du colonel chabert faire 1 paragraphe de 10l pour chaque
-Un homme malade
-Un homme pauvre

En entendant cette explication, le vieillard
resta silencieux, et sa bizarre figure prit une
expression si dépourvue d’intelligence, que le
clerc, après l’avoir regardé, ne s’occupa plus de
lui. Quelques instants après, Derville rentra, mis
en costume de bal ; son maître clerc lui ouvrit la
porte, et se remit à achever le classement des
dossiers. Le jeune avoué demeura pendant un
moment stupéfait en entrevoyant dans le clairobscur le singulier client qui l’attendait. Le
colonel Chabert était aussi parfaitement immobile
que peut l’être une figure en cire de ce cabinet de
Curtius où Godeschal avait voulu mener ses
camarades. Cette immobilité n’aurait peut-être
pas été un sujet d’étonnement, si elle n’eût
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complété le spectacle surnaturel que présentait
l’ensemble du personnage. Le vieux soldat était
sec et maigre. Son front, volontairement caché
sous les cheveux de sa perruque lisse, lui donnait
quelque chose de mystérieux. Ses yeux
paraissaient couverts d’une taie transparente :
vous eussiez dit de la nacre sale dont les reflets
bleuâtres chatoyaient à la lueur des bougies. Le
visage, pâle, livide, et en lame de couteau, s’il est
permis d’emprunter cette expression vulgaire,
semblait mort. Le cou était serré par une
mauvaise cravate de soie noire. L’ombre cachait
si bien le corps à partir de la ligne brune que
décrivait ce haillon, qu’un homme d’imagination
aurait pu prendre cette vieille tête pour quelque
silhouette due au hasard, ou pour un portrait de
Rembrandt, sans cadre. Les bords du chapeau qui
couvrait le front du vieillard projetaient un sillon
noir sur le haut du visage. Cet effet bizarre,
quoique naturel, faisait ressortir, par la brusquerie
du contraste, les rides blanches, les sinuosités
froides, le sentiment décoloré de cette
physionomie cadavéreuse. Enfin l’absence de
tout mouvement dans le corps, de toute chaleur
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dans le regard, s’accordait avec une certaine
expression de démence triste, avec les dégradants
symptômes par lesquels se caractérise l’idiotisme,
pour faire de cette figure je ne sais quoi de
funeste qu’aucune parole humaine ne pourrait
exprimer. Mais un observateur, et surtout un
avoué, aurait trouvé de plus en cet homme
foudroyé les signes d’une douleur profonde, les
indices d’une misère qui avait dégradé ce visage,
comme les gouttes d’eau tombées du ciel sur un
beau marbre l’ont à la longue défiguré. Un
médecin, un auteur, un magistrat, eussent
pressenti tout un drame à l’aspect de cette
sublime horreur dont le moindre mérite était de
ressembler à ces fantaisies que les peintres
s’amusent à dessiner au bas de leurs pierres
lithographiques en causant avec leurs amis.