Bonjour pourriez-vous m’aider à faire cette contraction en 190 mots
Texte de Michel Eltchaninoff, « Notre dernière utopie », Philosophie magazine, n°122, Septembre 2018.
Contraction de texte (10 points)
Vous résumerez ce texte en 190 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 171 et au plus 209 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez à la fin de la contraction le nombre de mots qu'elle comporte.
L'éducation est notre grande utopie. La seule, et certainement la dernière. L'avenir se présente à nous sous les traits pas très engageants de robots envahissants dans des paysages dévastés et dépeuplés d'animaux, le tout sous une chaleur écrasante Nous ne confions plus guère aux religions le souci d'améliorer le monde. Et sommes vaccinés des grandioses projets politiques de changer la vie. Nous avons considérablement réduit nos ambitions. Nous les avons, en quelque sorte, privatisées. Il reste cependant un domaine dans lequel nous sommes prêts à investir tous nos espoirs, toutes nos idées - et une partie de nos économies. C'est l'éducation de nos enfants, qui sont les derniers porteurs d'avenir auxquels nous croyons encore. […..]
Si l'on jette un œil aux statistiques, le projet éducatif semble porter ses fruits partout dans le monde. Depuis trente ans, la proportion de personnes ayant fait des études supérieures a été multipliée par deux. Or, dans le même temps, la Terre s'est largement pacifiée. Les statistiques sur les conflits armés ou les meurtres montrent la baisse des actes violents. En 1940, 20 personnes sur 100000 mouraient de la guerre chaque année. Elles sont aujourd'hui vingt fois moins nombreuses. En ce qui concerne les homicides, ils sont passés de 100 par an pour 100 000 habitants dans l'Europe au XIVe siècle à un seul de nos jours ! La France a vu son taux de meurtres annuels divise par deux depuis vingt ans. Ces données sont citées par le psychologue américain, chercheur en cognition et en psychologie du langage Steven Pinker. Selon lui, nous avons beau trouver notre monde horrible et dangereux, les études prouvent que nous n'avons jamais été aussi pacifiques qu'aujourd'hui: nous vivons plus longtemps, sommes moins victimes qu'auparavant de maltraitances diverses, avons plus de chances de mourir dans notre lit qu'attaqué par autrui. Dans ce cadre général, l'éducation ne joue pas seulement un rôle vague ou accidentel. Elle est décisive. Steven Pinker montre par exemple dans son essai La Part d'ange en nous que l'alphabétisation porte en elle une dimension éthique fondamentale. La lecture, en effet, est, d'après Pinker, « une technologie de mise en perspective ». Lire un texte rédigé par autrui nous extrait de notre expérience immédiate et de notre ego, et nous place littéralement dans l'esprit d'autrui, dont «vous partagez temporairement les attitudes et réactions ». Adopter le point de vue d'autrui porte ainsi à l'empathie et nous pousse à ne pas le faire souffrir.
Cette corrélation entre éducation et comportement moral semble réaliser le programme du siècle des Lumières. Éduquer, c'est, selon les mots de Kant dans Qu'est-ce que les Lumières?, « faire sortir l'homme de la minorité dont il est lui-même responsable », c'est-à-dire montrer à chacun qu'il n'a pas besoin d'être dirigé par autrui pour comprendre et transformer le monde. Loin d'être réservée à une élite dirigeante, l'éducation doit faire accéder le peuple entier à l'esprit critique et à l'autonomie morale. Cette idée est en réalité beaucoup plus ancienne. Elle tire sa source de l'éducation telle qu'elle a été théorisée en Grèce antique - quoique dans une optique plus élitiste - à travers ce qu'on a appelé la paideia. A travers l'apprentissage de la grammaire, des mathématiques, de la philosophie, de l'histoire naturelle et de la gymnastique, la paideia consiste à élever l'individu vers une culture
qui le rende capable d'exercer sa fonction de citoyen et d'acquérir les vertus. Les sophistes, si décriés parce que certains d'entre eux faisaient payer leur enseignement et apprenaient à leurs élèves des techniques rhétoriques, ont inventé l'humanisme. Selon eux, et notamment Protagoras, l'homme n'est rien tant qu'il n'a pas acquis une culture le rendant capable de participer à la vie publique. Pour cela, une conception purement pratique de l'éducation ne suffit pas. Dans l'Athènes de Périclès, la politique n'est pas conçue comme un métier, mais comme la manière proprement humaine de participer au monde. Elle porte en elle un idéal universel d'éthique?, puisqu'elle consiste à décider ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.
Repris à la Renaissance par des écrivains et des penseurs soucieux d'émanciper les hommes des tutelles religieuses, l'idéal des humanités comporte une puissante dimension morale.