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TORTURE : Lorsque le chevalier de La Barre, [...] jeune
homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance,
[...] fut convaincu' d'avoir chanté des chansons impies² et
même d'avoir passé devant une procession de capucins sans
avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville ordonnèrent non
seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la
main et qu'on brulât son corps à petit feu; mais ils l'appli-
quèrent encore à la torture pour savoir précisément combien
de chansons il avait chantées, et combien de processions il
avait vues passer, le chapeau sur la tête.
[...] Les nations étrangères jugent de la France par les
spectacles, par les romans, par les jolis vers [...]. Elles ne
savent pas qu'il n'y a point au fond de nation plus cruelle
que la française.
Les Russes passaient pour des barbares en 1700, une
impératrice vient de donner à ce vaste État des lois [...]. La
plus remarquable est la tolérance universelle, la seconde est
l'abolition de la torture. La justice et l'humanité ont conduit
sa plume; elle a tout réformé.
Voltaire, article « Torture », Dictionnaire philosophique portatif, 1769.
1. Reconnu coupable.
2. Hostiles à la religion.
3. Ordre religieux.
QUESTIONS
À quoi s'attaque Voltaire ?
Pourquoi est-elle utilisée ?
2 Relevez dans le texte
les tortures infligées au jeune
chevalier de La Barre.
Quel sentiment Voltaire veut-il
faire éprouver à son lecteur ?
3 Quelle est l'opinion de Voltaire
sur la pratique de la torture?
Comment qualifie-t-il la France
dans ce texte ?
4 À quels pays compare-t-il
la France ? Pourquoi ce pays
est-il un modèle pour lui ?