Sagot :
2) - v. 1 à 18 : le poète (« nos ») s’adresse aux résistants (« Vous », « vos ») « onze ans » après l’événement relaté, afin d’en conserver le souvenir.
- v.19 à 30 : vers en italique, paraphrase poétique de la lettre de Manouchian, l’énonciateur est ce résistant (« je », « moi », « nos », « mon »), le destinaire est sa femme Mélinée (« toi », « ma Mélinée », « te »). Il s’agit d’une reprise de la lettre réelle écrite par Manouchian avant son exécution.
- V.31 à 35 : narration à la 3ème personne, le poète n’est plus présent dans les vers (« Ils »), recul, conclusion.
3)Aragon évoque les « portraits (…) Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants » des résistants. Souligne le choix de photos présentant des individus à l’apparence inquiétante (cf. hypallage « de barbe et de nuit » + gradation). Il fait allusion à la couleur rouge de l’affiche qu’il compare à « une tache de sang », mettant par là en relief l’objectif recherché par les propagandistes, à savoir l’association dans l’esprit des Français, entre les résistants et le sang, le crime. Il parle également des légendes présentes sous les portraits : « à prononcer vos noms sont difficiles ».
4) L’évocation de cette affiche est très subjective : Aragon ne se contente pas de décrire l’Affiche rouge, mais offre en même temps son interprétation, qui consiste en une dénonciation des effets recherchés par les propagandistes sur les passants. En effet, les portraits offrent des résistants des images angoissantes (ressemblent à des fous furieux). Adjectifs qui mêlent la description du visage et le trait dont il serait révélateur : l’hostilité, le danger. La couleur rouge est destinée à les associer au sang et au crime, leurs noms sont inscrits parce que leur consonance étrangère les rend antipathiques et inquiétants (inversion du verbe à l’infinitif montre comment la rhétorique nazie associe dangerosité et identité étrangère). Selon Aragon, cette affiche veut provoquer « un effet de peur » (faire peur et non convaincre par des arguments, toucher l’être humain dans ses sentiments primaires et non le faire réfléchir).
5)L’attitude des Français, désignés par des noms, des GN ou des pronoms les présentant comme un ensemble anonyme, est double :
- durant le jour : indifférence apparente (« sans yeux pour vous le jour durant »)
- pendant la nuit : solidarité et reconnaissance secrètes
La synecdoque et l’hypallage « des doigts errants » mettent en relief cette duplicité des Français. Combat collectif et anonyme qui contredit la « peur » des passants, voire l’hostilité à ces étrangers attendue par les occupants. L’inscription « Morts pour la France » qui figurera après la guerre sur de nombreuses plaques dans les rues des villes insurgées, confirme cette opposition entre les résistants de la nuit (cf. Editions de minuit) et les indifférents du jour, également signifiée par les conjonction « Mais » en milieu de strophe, pour marquer le basculement entre le jour et la nuit, une attitude et son contraire.
Double opposition :
- indifférents et collaborateurs = résistants
- résistants muets et inactifs le jour = combattant la nuit
6) Individus étrangers donc dangereux, criminels, terroristes.
7)Strophe 1 : modestie, courage, pugnacité des résistants présentés comme des anonymes oubliés (cf. jeu de négations : répétition de « ni ») // lettre // dernière strophe.
8) La lettre de Manouchian, en donnant la parole au chef de bande, met en valeur de manière directe, concrète et poétique l’humanité des résistants.
Répétition de « Adieu » + champ lexical du bonheur (« Bonheur », « plaisir », « heureuse ») et de la nature dans sa beauté (« lumière », « vent », « beauté des choses », « Un grand soleil d’hiver éclaire la colline », « Que la nature est belle ») : regret de quitter la vie « que le cœur me fend », « mon orpheline »).
Absence de haine (« sans haine ») envers ses meurtriers, grand calme (« calmement »). Répond à la haine et à la violence par l’amour et la paix.
9) Cette lettre est une paraphrase poétique de la véritable lettre de Manouchian (lequel était d’ailleurs poète) : poème dans le poème. Elle s’adresse à Mélinée, la femme du chef de bande, mais aussi à tous « ceux qui vont survivre », leur transmettant un message de paix, d’espoir (cf. impératifs et futurs présentant l’image d’un avenir plein de promesses).Cette lettre constitue une réponse à l’Affiche rouge évoquée dans les 1ères strophes du poème. Elle permet en quelque sorte de donner la parole à l’accusé qui se défend non pas au moyen d’arguments, mais tout simplement en opposant à la haine des occupants une foi indestructible en l’amour et la paix. Présente une image spirituelle, poétique, humaine du chef de bande, en totale opposition avec les photos montrant des actes de violence.