Sagot :
Bonjour
Pour les théoriciens de l'hétéronomie de la volonté, la moralité est produite, ou introduite, dans l'homme par une autorité extérieure — qu'il s'agisse de l'éducation (c'est la thèse de Montaigne), de la constitution civile (Mandeville), d'un sentiment qui sert de critère (il peut être physique comme chez Épicure, ou immédiatement inviter à la conduite morale comme la sympathie selon Hutcheson), de ce qu'exige l'idée de perfection (logique pour Wolff, métaphysique pour les stoïciens), ou même de la volonté de Dieu (comme l'affirment les "moralistes théologiens" à la façon de Crusius) : dans toutes les variantes d'une telle conception, la volonté du sujet est déterminée par l'obéissance à une loi qu'il peut sans doute approuver parce qu'il en reconnaît les conséquences positives, mais dont il n'est pas l'auteur.
Au contraire, l'autonomie de la volonté nous invite à concevoir que cette loi morale (universelle par principe) n'a pas d'autre source que le pouvoir législatif du sujet lui-même, qui réside en sa propre raison. C'est de ce point de vue que la liberté se réalise ou se confirme dans l'obéissance à la loi : les lois de la morale sont les lois de la liberté — parfaitement distinctes des lois de la nature en ce que ces dernières définissent un univers déterminé, sans commune mesure avec notre intimité. Obéissant à l'obligation que formule la loi, je n'obéis à rien d'autre qu'à ma part rationnelle. Ainsi, l'obligation est la marque de mon appartenance à l'ordre de la raison, autrement dit à l'humanité elle- même.
S'en tenir à une opposition entre liberté et obligation, c'est méconnaître que l'être humain appartient à une universalité, qui est celle de la raison, et en dehors de laquelle il perd ce qui fait sa dignité. L'obligation peut concerner chaque individu parce qu'elle concerne alors l'humanité dans sa totalité : tel est le caractère particulier de l'obligation morale qui, loin d'imposer une limite à la liberté, confirme qu'elle n'est réelle que partagée par tous.