Sagot :
Réponse:
La qualité du trait permet de ranger ROCKWELL dans le courant hyperréaliste. L'artiste imite au plus près la réalité, presque comme une photographie.
Les autobiographies sont aux écrivains : une façon de se représenter soi-même. Ce célèbre tableau mérite d'être analysé car, tout en reprenant les codes d'une lointaine tradition, il apporte aussi des innovations dans le genre., Un multiple portrait physique
Le miroir que l'on voit à l'arrière-plan est un outil de la représentation de soi, un gage d'authenticité. Ce qu'on nous montre correspond à la réalité. Nous assistons à une mise en abyme : l’œuvre se répète à l’intérieur d'elle-même. Ici c'est un peintre en train de se peindre.
Tout le matériel nécessaire est réuni : un grand miroir, une palette, des pinceaux, des tubes de peinture, une règle pour respecter les proportions.
Trois représentations de ROCKWELL sautent aux yeux dès le premier regard. Le titre est justifié. Toutefois, en observant de plus près, on peut trouver d'autres croquis rassemblés sur un petit papier, en haut à gauche de la toile. Ce sont les recherches et essais du peintre. Le portrait n'est pas simplement triple, il est multiple.
Norman se représente de dos, dans une attitude amusante. Sa chemise bleue tranche avec la blancheur de l'atelier qui n'est qu'un espace vide. Comme si cela était la toile sur laquelle l'artiste s'apprête à peindre. Le coussin rouge sur le tabouret montre qu'il cherche son confort, il est penché de façon un peu maladroite. L'expression de son visage montre qu'il n'est pas tout à fait à l'aise et ne peut donc pas correspondre à ce qu'il veut peindre. Le portrait se réalise devant nous au fusain, avant qu'il n'applique sa peinture à l'huile.
La signature vient confirmer que celui qui se peint est l'auteur lui-même. D'ailleurs, bien qu'elle soit portée sur la toile dessinée, elle vaut pour l'ensemble du tableau que le public voit.
Dans la lignée des grands peintres
On peut voir en haut, à droite de la toile peinte, une série de célèbres autoportraits. Outre le fait qu'ils sont reproduits à l'identique, ils sont aussi une façon pour ROCKWELL de s'inscrire dans la lignée des grands artistes
Très vite, le public comprend que ce n'est pas que le portrait physique qui apparaît. ROCKWELL est un patriote, il est très attaché à son pays, les États-Unis, et souhaite le défendre. Comme souvent dans ses tableaux, des indices de cet attachement sont visibles : ici l'aigle et le drapeau américain qui reprennent les trois couleurs bleu, blanc et rouge.
L'aigle et le drapeau américains, symboles patriotiques
D'autres détails attirent notre attention : le verre en déséquilibre sur un livre ouvert, posé sur une chaise déjà chargée, proche d'un genou qui pourrait faire un faux mouvement ; le chevalet est lui-même sur roulettes, il est donc instable et pourrait tout emporter avec lui.
De l'autre côté on voit de la fumée s'échappant du seau en référence à l'incendie de son atelier quelque temps avant.
Tout cela crée un effet dynamique, nous sentons une catastrophe imminente. De toute évidence Norman ROCKWELL est un homme distrait. C'est une des forces de l'artiste, faire sentir le mouvement et laisser imaginer la vie à partir d'un dessin immobile.
Certes, le peintre nous ment, mais il se montre en train de mentir. Il montre aussi la vérité. Il se moque de lui-même grâce à ce qu'on nomme auto-dérision.
C'est donc finalement une bonne dose d'humour qui traverse ce tableau, faisant de Norman ROCKWELL un peintre sympathique et talentueux. A travers ce triple autoportrait, il dépeint la condition des artistes, il met en avant une esthétique recherchée et il propose une nouvelle façon de se représenter.