Sagot :
Bonjour
Kant oppose la spontanéité de la volonté à la causalité des phénomènes naturels. Lorsqu’on étudie un effet physique (par exemple la chute d’une tuile), on peut remonter à l’infini la chaîne des causes. Au contraire, nous disons que notre agir est spontané pour signifier notre capacité à commencer absolument une série causale sans être déterminé par quoi que ce soit d’autre. Le débat porte alors sur l’effectivité de cette spontanéité : un jugement extérieur trouvera toujours des causes antécédentes, mais la volonté revendique sa responsabilité: j’affirme être l’auteur de mon acte, je ne veux pas qu’on m’en dépossède en l’attribuant à des causes extérieures.
Il faut aussi se demander si l’idée de spontanéité donne toute la signification de la liberté. Quel rôle peuvent jouer des aspects que l’on appose habituellement à la spontanéité, comme la volonté, la réflexion, les règles sociales ? Comment peuvent-ils compenser ce que la spontanéité risque de comporter comme irréflexion ? Comment le rapport au temps et à autrui peut-il entrer en ligne de compte ?*
Platon place la question au centre des polémiques entre Socrate et les sophistes : contre Calliclès qui affirme que la liberté est celle du tyran qui peut satisfaire tous ses désirs, Socrate répond qu’elle n’est que la vertu du sage qui sait ce qu’il veut, c’est-à-dire la contemplation des Idées. Le tyran n’est qu’un malheureux et un captif qui s’ignore.
De même l’épicurisme comme le stoïcisme montrent que l’on n’agit vraiment spontanément que si l’on se connaît suffisamment pour être maître de soi. C’est donc une spontanéité seconde qu’ils proposent Spinoza affirme de même que la seule liberté réelle pour l’homme se situe dans la connaissance. Or plus nous connaissons et moins nous sommes passionnés et plus nous désirons spontanément connaître. Par contraste avec la tradition des moralistes Freud puis Foucault ont mis l’accent sur la pression exercée par les interdits et les tabous : la société exerce une fonction de répression telle que nous ne savons jamais vraiment ce que peut être la spontanéité.
Lorsque nous prenons conscience de nous-mêmes, c’est que la spontanéité est déjà un paradis perdu; mais ceux que Bergson appelle les héros ou les saints, les grandes figures morales que nous vénérons, dont nous nous inspirons, nous semblent exprimer une liberté sans effort, coïncidant avec leur être même.
Le rapport entre liberté et spontanéité est véritablement un problème philosophique et le lieu d’une dialectique, entre vouloir spontané, reprise réflexive, formation d’une nouvelle forme de spontanéité à partir des éléments que nous nous sommes appropriés. Il faut de toute façon renoncer à l’espoir d’une définition finale et arrêtée de notre liberté dont l’histoire se trace par notre action tout au long de notre vie.