Sagot :
Réponse:
Écrivain au parcours tragique, Irène Némirovsky est le seul auteur à avoir reçu en 2004 le prix Renaudot à titre posthume pour son livre “Suite française”. Cette jeune femme russe est morte à Auschwitz en 1942 et elle a laissé à la postérité plusieurs œuvres en langue française dont beaucoup ont été éditées après sa mort. Publié du temps de son vivant en 1930, “Le bal” est un récit majeure d’Irène Némirovsky tant par la qualité du récit que par son esthétisme littéraire. Il est le roman de l’initiation d’une jeune fille et les difficultés pour passer à l’age adulte.
Récit de l’adolescence et de ses turpides, “Le bal” décrit avec perfection la haute bourgeoisie parisienne et les codes qui régissent son fonctionnement. Il dénonce l’hypocrisie de la classe dominante et les liens du mariage uniquement régis par des contingences financières. Il s’attaque enfin également aux difficultés d’assimilation dans une société perclus de certitudes.
A l’image des écrits de Maupassant, ce court récit a la forme des nouvelles réalistes des œuvres de la fin du XIXe siècle. Il dépeint de manière cynique les rapports mère fille ramenant l’auteur à sa propre expérience de jeune fille. Cette part autobiographique dans le roman est importante car elle renforce l’idée qu’Irène Némirovsky n’est autre que la protagoniste principale : Antoinette.
Désespérée par des relations exécrables avec sa mère et un père qui voue uniquement sa vie à l’argent, la petite Antoinette va tout faire pour contrarier les ambitions sociales de ses parents. Elle va ainsi tout faire pour saboter un bal organisé par sa mère afin de recevoir le gotha de l’aristocratie parisienne en jetant les enveloppes d’invitation dans la Seine.
Et si la nouvelle est basé sur les difficultés relationnelles entre Antoinette et sa mère, elle n’en demeure pas moins ambivalente sur la probité des personnages. En effet, la jeune Antoinette est systématiquement présentée comme une victime du mépris de ses parents couplés aux tourments de l’adolescence. Elle semble être cette innocence vertueuse à la merci de parents indignes. De nombreux ouvrages de la littérature du XIXe siècle décrivent de manière manichéenne cette situation. Cependant Irène Némirovsky évite le piège en construisant avec Antoinette un personnage autrement plus complexe que ce symbole d’enfance bafoué. Au fur et à mesure du déroulement du récit, la jeune adolescente dévoile des sentiments de plus en plus ambigus vis à vis de sa mère et de la bonne. Elle devient machiavélique au point de finir par jeter les enveloppes d’invitation dans la Seine en toute connaissance de cause. Mais le plus incroyable reste encore la réaction de la jeune fille lorsque sa mère comprend que personne ne viendra participer au bal. Elle saute dans les bras de sa mère et s’écrie : “Pauvre maman”. Elle n’a de cesse de la consoler alors qu’elle est la responsable du malheur qui accapare sa famille. L’auteur fait montre de beaucoup de cynisme en nous présentant une Antoinette manipulatrice qui tient son rôle à la perfection.
En écrivant “Le bal”, Irène Némirovsky évoque également symboliquement le problème de l’héritage culturel et la difficulté à discerner le bien de mal lorsque les principes de base de son éducation sont la vénalité et le rapport de force. Elle renvoie au principe freudien qui définit presque uniquement la construction de l’individu à travers le rapport à la mère. Antoinette est une personne égoïste et égocentrique mais son geste n’est finalement qu’un appel au secours pour que sa mère s’occupe d’elle. Non seulement elle a besoin de sa mère mais en développant à l’extrême son pouvoir de nuisance, elle souhaite également démontrer à chacun qu’elle n’est plus une enfant mais bien une adulte. Ce passage à l’acte est fondateur de l’identité d’Antoinette qui passe directement ce jour là de l’enfance à l’age adulte.
Enfin, Irène Némirovsky croque à merveille les vices de la grande aristocratie parisienne, dédaigneuse de son prochain, et l’avidité des nouveaux riches qui désirent rentrer dans le sérail des gens qui comptent. Elle n’épargne pas la grande bourgeoisie et elle rejoint en cela de manière très subtile les penseurs humanistes qui décrient cette façon superficielle de fonctionner. Si “Le bal” n’est pas un roman social en soi, il n’en reste pas moins une critique acerbe d’une certaine classe sociale qui fonctionne en cercles concentriques.
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