Sagot :
Bonjour,
De prime abord à la lisière du clip et de la chorégraphie filmée, Le p’tit bal est pourtant bien plus que ça, un vrai film de cinéma. Demeurant l'une des rares incursions du chorégraphe Philippe Decouflé de l'autre côté de la caméra, Le p’tit bal est de ces quelques courts métrages qui sont instantanément devenus des classiques. Le film, très court, s'appuie d'abord sur une chanson, C'était bien, interprétée par Bourvil. Sur cette trame chantée mélancolique qui lui donne aussi sa durée, le réalisateur-chorégraphe - qui est également l'un des deux danseurs évoluant devant la caméra dans un cadre bucolique très stylisé - dresse peu à peu l'équivalent d'un gigantesque rébus visuel en adaptant aux paroles une chorégraphie minimaliste inspirée par le langage des signes. Film extrêmement ludique, Le p’tit bal emprunte également au mime (le visage et les mains y sont les plus sollicités) et dépasse très vite la simple illustration visuelle d'une chanson en multipliant les idées incongrues, les rimes visuelles et sonores et les prises de vues tarabiscotées.
Étonnant, le résultat, tout à la fois joyeux et nostalgique, redouble à l'image la mélancolie contenue dans les paroles de la chanson en ressuscitant une imagerie rétro évoquant les guinguettes, les amours éphémères et les petits bals perdus. Jamais figée, pourtant, cette imagerie ne peut être taxée de passéiste tant le réalisateur-chorégraphe sait dépasser les images d'Épinal dont il se nourrit. Ici, donc, les clichés fonctionnent comme des repères sur lesquels peut se développer une chorégraphie, elle, particulièrement moderne. Étrange objet formel, Le p’tit bal est, dans le champ des films de danse, un exemple particulièrement éclairant de l'intérêt que peut trouver un chorégraphe à redoubler l'inventivité d'une chorégraphie par des moyens spécifiques au septième art comme le montage et le travail sur l'image ou sur la couleur. C'est pour cette façon d'utiliser les ressources du rythme, du montage et de la postproduction que Le p’tit bal est, plus qu'un “film de chorégraphe”, bien plus qu'une captation, une véritable œuvre de cinéaste.