Sagot :
Il y a plus de quarante ans, en 1972, le procès Bobigny a marqué l'histoire. La jeune Marie-
Claire Chevalier, âgée de seize ans tombe enceinte. Elle sera aidée pour mettre fin à sa grossesse,
notamment par sa mère. A cette époque, l’avortement constitue encore une infraction pénale.
Défendu par l'avocate Gisèle Halimi, le procès de la jeune Marie-Claire eut un énorme
retentissement en France, et contribua à l'évolution vers la dépénalisation de l'interruption
volontaire de grossesse (IVG). Face à la situation de la jeune fille, les réactions furent multiples et
des centaines d'articles et émissions se sont consacrés à cette affaire. Cette mobilisation de la société
et des médias a permis, à l’issue d’un long parcours, l’adoption de la loi du 15 janvier 1975 sur
l’interruption volontaire de grossesse, portée par Simone Veil.
Le choix de ce procès fut motivé par trois grandes raisons. La première fut la médiatisation suscitée
par cette affaire à l'époque. Nombre de femmes, d'associations et de journalistes se sont mobilisés
autour de cette cause, avec par exemple le célèbre « Manifeste des 343 », écrit avec la participation
de Simone de Beauvoir et publié par le Nouvel Observateur en 1971. Par ce manifeste, les femmes
ont publiquement reconnu avoir eu recours à l’avortement, alors réprimé par le droit pénal. Bien
qu’interdit, la question de l’avortement était très présente dans le débat public. Lors de la
survenance de l’affaire « Marie-Claire », ce n’est pas les faits qui ont été jugés, mais l’interdiction
du recours à l’avortement.
En second lieu, il convient de relever que ce procès a permis de faire avancer le droit de la société.
La solution rendue par le Tribunal lors du procès de Bobigny eu une portée décisive sur l’évolution
de notre législation. Sans cette décision, l’avortement n’aurait peut être pas été dépénalisé si
rapidement en France, puisque des projets de lois dans ce sens avaient déjà été déposés auparavant,
mais sans succès. Le procès de Bobigny a incontestablement été un tremplin pour l’évolution du
droit à l’avortement. Aujourd’hui, l'IVG est un droit acquis et fondamental pour les femmes.
En dernier lieu, la question de l’IVG est encore très présente au cœur des débats contemporains.
Aux États-Unis, les débats « pro-life / pro-choice » sont récurrents. En France, certaines
personnalités politiques du Front National ou du Parti Chrétien Démocrate, par exemple, reviennent
régulièrement sur la question du droit à l'avortement. Aussi, des manifestations anti-avortement ont
2eu lieu récemment, notamment à travers les « Marches pour la vie » le 22 janvier 2017. Aussi, au-
delà du cadre purement français, la question revient également dans le débat public en Europe,
comme ce fut le cas en Pologne à l’automne 2016. Quelques législations sont encore réfractaires sur
le sujet. Malte interdit totalement le recours à l’IVG. D’autres pays comme à Chypre ou en Ireland,
les conditions d’accès sont très strictes et limitées de risque pour la santé de la femme.
Le présent travail a pour objectif de retracer ce grand procès et de l'analyser sous l'angle du risque
judiciaire. Les sources utilisées sont d'une part, électroniques, et d'autre part, législatives. Ces
sources sont également littéraires, notamment grâce à deux ouvrages : le livre de poche publié par le
mouvement Choisir publié chez Gallimard, Avortement. Une loi en procès. L'affaire de Bobigny,
ainsi que La bataille de l'avortement, par la Documentation française dans la collection « Les
médias et l'événement ». Le premier de ces ouvrages retrace l’ensemble du procès, et retranscrit
l’ensemble des débats ainsi que la solution rendu par le Tribunal. Le second, quant à lui, décrit la
situation sociale de l’époque relativement à l’avortement, avec une reproduction d’articles de
presse.
Ces sources nous ont été très profitables. Du fait du retentissement de cette affaire à l’époque, nous
avons pu bénéficier de très nombreuses sources. Aussi, ce procès s’étant tenu il y a une quarantaine
d’années, ce temps était suffisamment long pour nous permettre de prendre un certain recul vis-à-
vis des faits, du contexte social et politique, et de l’évolution de la législation et des mœurs qui s’en
est suivie.