Sagot :

Réponse :

Salut, 3 phrases, c'est trop dur, je te l'ai mis en entier. (sauf sans le début)

Enfin, la meilleure société… des gens très riches en tout cas. Quand on est un nouveau riche, il faut du temps pour que les authentiques vieilles familles acceptent de vous fréquenter. Alors on va créer des relations d’affaires, on revoit les gens rencontrés l’été dernier, et ce ne sont pas toujours des personnes à la réputation irréprochable. Disons-le : certains sont franchement louches, voire douteux. Lors de ce bal, on croisera des financiers véreux, de faux aristocrates qui viennent d’acheter leurs titres, des hommes entretenus, et même quelques maquereaux. Mais ce n’est qu’un premier bal, un premier pas. Le prochain sera un peu plus huppé, et le suivant encore plus, jusqu’à ce que les Kampf soient officiellement admis parmi les gens bons. On songera alors à acheter un titre, comte et comtesse, par exemple… Ah ! ce bal, Rosine Kampf sent que sa nouvelle vie en dépend.

Un bal… Antoinette aussi en rêve. Quand la jeune fille de quatorze ans entend ce mot, son imagination s’enflamme et elle s’autorise à rêver un peu. Car elle n’a pas souvent l’occasion de rire, la pauvre petite ! Certes, elle ne manque de rien, du moins matériellement. Elle a une dame de compagnie anglaise, Miss Betty, qui lui donne des leçons de piano. Mais que lui importe ? Elle vit dans une profonde solitude, ne connaît pas la compagnie des jeunes gens de son âge. Son père la regarde à peine, et parle devant elle comme si sa fille ne comprenait rien, il le dit clairement d’ailleurs. Autrefois, il y a bien des années, Rosine embrassait sa petite fille, jusqu’à ce qu’un abîme se creuse entre elles, et Antoinette ne sait pas pourquoi. Comment comprendre cette agressivité permanente, ces paroles toujours blessantes, ce mépris affiché ? Comment admettre cette violence physique et cette main qui ne caresse plus mais qui est toujours prête à gifler, même en pleine rue ? Comment tolérer ces mots terribles, cet abaissement systématique qui se fait devant tous, y compris les domestiques ? La préparation du bal va permettre à Antoinette de comprendre qu’elle est en train de devenir une femme, et que sa mère ne voit en elle qu’une rivale.

Comme elle a une belle écriture, c’est Antoinette qui est chargée de rédiger les adresses sur les enveloppes qui contiennent les invitations. Longue et fastidieuse tâche, mais nimbée de l’espoir que fait naître la perspective du bal : de la musique, des danses, de belles tenues… Jusqu’à ce que ses parents lui apprennent qu’elle n’assistera pas au bal. Elle ira se coucher à neuf heures, comme à l’ordinaire. De plus, on aura besoin de sa chambre, alors elle dormira au bout du couloir, dans le débarras. La déception de l’enfant est immense. Alfred n’y songe même pas. Quant à Rosine, elle sait en quelques phrases cinglantes éteindre la lueur qui illuminait les yeux de sa fille. Antoinette va se coucher, en larmes, ses premières larmes de femme.

Cependant, c’est elle qu’on charge de poster les invitations. Miss Betty doit l’accompagner à sa leçon de piano. Une invitation sera remise à Mlle Isabelle, ensuite elles posteront les autres enveloppes. Mais Miss Betty a d’autres projets : elle abandonne rapidement Antoinette devant la porte de Mlle Isabelle pour filer à un rendez-vous galant. Antoinette remet l’enveloppe à sa professeure qu’elle exècre et quitte le cours afin de surprendre Miss Betty avec son amoureux. La vue des deux jeunes gens heureux l’emplit d’une triste colère qui lui fait commettre l’irréparable : elle jette les invitations dans la Seine.

On devine la suite. Au soir du bal, Antoinette se glisse subrepticement hors du débarras et assiste au désastre. Tout est prêt : l’orchestre est là, des mets coûteux et raffinés s’amoncellent sur les tables somptueusement dressées. Rosine et Alfred attendent. Elle a revêtu sa plus belle robe, elle porte les bijoux hors de prix que son mari lui a offerts. Le temps passe… Mlle Isabelle arrive, curieuse, amère, pleine de fiel. Une conversation s’installe, puis meurt doucement au fil des minutes qui s’écoulent. Les domestiques rient ouvertement à l’office, les musiciens de l’orchestre finissent par s’en aller. L’humiliation est immense et Mlle Isabelle, n’en doutons pas, va se faire une joie mauvaise d’en répandre la nouvelle. Alfred et Rosine se retrouvent seuls, sous le regard d’Antoinette qu’ils n’ont pas vue, et une affreuse dispute éclate, brève mais violente, au cours de laquelle l’océan d’amertume qui sépare le couple apparaît au grand jour. Alfred quitte le logis, Rosine se retrouve seule. Alors elle se tourne vers Antoinette qui s’est enfin montrée et s’épanche sur son épaule. C’est à ce moment que la jeune fille comprend que sa propre vie est devant elle, que l’avenir lui appartient, alors qu’elle croise sa mère sur le chemin descendant de la vieillesse et de l’oubli.