Sagot :
1ere etape : L’évolution de la politique française en Afrique noire à l’ère de la « décolonisation » a été marquée par un étonnant paradoxe que pourront légitimement relever un jour les psychanalystes de notre tempérament national et de nos mœurs gouvernementales : alors que les dirigeants français successifs, de 1944 à aujourd’hui (à quelques exceptions près), n’ont cessé de tenir publiquement, s’agissant du phénomène colonial, des propos irréels, voire parfois rétrogrades, on a vu se dessiner dans les actes une évolution d’une sage progressivité, jusqu’à l’étape ultime de l’indépendance dans l’amitié.
2eme etape : Propos irréels ? Faut-il revenir, après tant de polémistes et d’historiens politiques, sur la fameuse déclaration finale de la conférence de Brazzaville, qui, tout en amorçant sous l’impulsion du général de Gaulle le mouvement vers l’égalité des droits civiques des Noirs d’Afrique et leur représentation dans les Assemblées françaises, proclamait imprudemment qu’en aucun cas les territoires n’évolueraient vers un système de « self government » ? Faut-il rappeler cette affirmation péremptoire d’un homme réputé libéral comme M. François Mitterrand (d’autre part promoteur en 1950-1951 d’un heureux rapprochement avec le puissant et jusque-là « subversif » Rassemblement démocratique africain), affirmation lancée en 1950 de la tribune du Palais-Bourbon par le ministre de la France d’outre-mer de l’époque : « Jamais le gouvernement n’admettra que Madagascar reçoive le statut d’État associé... ». Faut-il revenir encore sur les déclarations du général de Gaulle lui-même devant le Comité constitutionnel réuni au Palais-Royal en juillet 1958, rejetant avec netteté pour l’outre-mer la formule confédérale, aujourd’hui épanouie — sinon dépassée — dans le système de la « Communauté rénovée » ?... On nous pardonnera de ne pas dresser ici une liste exhaustive de tant de propos catégoriques, lancés de 1944 à 1960 par tant de personnalités éminentes, et qui sont encore dans toutes les mémoires. A les récapituler, il y aurait fort à faire et c’est plusieurs pages que le plus sérieux des hebdomadaires parisiens devrait consacrer à la distribution de ses fameuses « noix d’honneur »...
3eme etape : Dans les faits, heureusement, le réalisme l’a emporté et c’est sans heurts notables — mise à part la malheureuse affaire de Madagascar en 1947-1948 — que la IVe, puis la Ve République, ont préparé, puis procédé, à la nécessaire « décolonisation » des territoires d’outremer. Les grandes étapes en sont connues. Encore n’est-il pas inutile de les rappeler, en cette période de bouleversements internes du continent noir où les proclamations d’indépendance se succèdent à un rythme encore inconnu dans l’histoire au point de faire oublier les circonstances qui y ont conduit.