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Sagot :

Réponse :

Mon corps s'inscrit sur le plancher comme s'il en avait toujours fait partie. Même le chat marche sur mon dos. Je cuis comme un oeuf sur le plat, Montréal brûle, ne reste que le plancher encore frais sur la peau. Je suis étourdi. Je ferme les yeux. C'est sûrement les escargots : le beurre à l'ail, ça me donne une indigestion, inévitablement. Tout d'un coup, je n'en peux plus. J'étouffe. J'entreprends alors de me diriger vers la salle de bain.

La route est longue, je dois m'appuyer sans cesse pour ne pas tomber tandis que je monte les escaliers. Je ne sens pas le chat me glisser entre les jambes. Finalement, j'atteins la douche. Je ressemble à un condamné dans le désert, j'ai un noyau dans la gorge. Je serais incapable de parler, même si je le voulais. J'entre enfin dans la douche. Nul besoin de me dévêtir, je suis déjà nu. Ma main glisse sur le robinet, qui s'entête à me résister. Je m'y agrippe, je force : rien à faire, tout indique qu'il est coincé. Mon échec rend la chaleur encore plus cuisante et si j'avais des larmes, je ne pourrais m'empêcher de pleurer. Mais souffrir est trop fatiguant. Il faut rester positif. Et puis, d'ailleurs, d'où me provient cette souffrance ? Pourquoi tout me semble si pénible ? Je songe à Clara et j'ai envie de sangloter. Certes, elle est en sûreté dans son édifice, climatisé, du reste. C'est ridicule, je ne me reconnais plus. Décidément, la chaleur me monte à la tête. Et à celle du chat aussi, qui rôde autour de moi d'une manière inhabituelle.

Une feuille vient se plaquer contre la fenêtre de la salle de bain : il vente. Non seulement vente-t-il, mais il pleut. Je ne m'étais même pas rendu compte que le temps s'assombrissait. En bas, je m'en souviens, la porte donnant sur le balcon est demeurée ouverte. Je descends, je vole, presque : il pleut ! Je ne sens plus mes pieds me porter, j'arrive à la porte, sors sans prendre le temps de la refermer derrière moi. L'eau glisse sur mes joues, mes bras, mon torse, mes jambes. Une fois encore, mes émotions m'apparaissent disproportionnées, mais je m'y abandonne néanmoins, trop heureux de savourer cet état de jouissance primitif. Quelque chose, une présence, se fait soudain sentir, derrière moi... Le chat s'avance presque à l'extérieur, curieux, malgré la pluie. C'est seulement alors qu'il me vient à l'esprit que je suis nu, complètement, au vu et au su de tous. Je rentre donc, précipitamment.

C'est à ce moment qu'elle arrive. Son manteau donne l'impression de s'étirer jusqu'à terre et je crois qu'elle va tomber, comme si l'eau ruisselant à la surface du vêtement était trop lourde pour ses maigres épaules. Maigres, oui : je ne l'ai jamais vue aussi chétive, et blême aussi, un fantôme. D'ailleurs, depuis combien de temps ne l'ai-je pas vue ? N'est-ce pas ce matin, la dernière fois ? Ce matin me paraît si lointain, je ne me souviens même pas de m'être réveillé à ses côtés. L'indigestion, peut-être, affecte ma mémoire, pensé-je.

Les cheveux de Clara lui collent au visage et, toutefois, elle ne se recoiffe pas. Elle avance d'un pas que je ne lui connais pas, comme une automate, jusqu'à la table de cuisine. Elle s'affale sur une chaise et fond en larmes. À ce moment, je consate qu'elle ne m'a pas regardé. Elle ne m'a pas regardé parce qu'elle ne m'a pas aperçu. Je prends soudainement conscience de ma prison, de cette paroi invisible qui m'enveloppe, de cette cage d'une nature indéfinissable qui m'entoure, aussi serrée qu'un scaphandre. Je suis comme en apnée, dans un univers qui est le mien sans l'être et, coffré dans ma bulle, je suis spectateur de la déconstruction de ce qui a été ma vie, mon amour.

Je remarque les cartes de voeux, éparses sur la table de salon, seulement quand elle les ramasse, brusquement, pour les jeter à la poubelle, après quoi, elle monte à la chambre. Je la suis. L'espace d'un instant, elle se regarde dans le miroir et il ne me faut que ces quelques secondes pour tout comprendre : je suis devant elle, entre la glace et son corps, mais le reflet ne renvoie qu'une image : la sienne.

Explications :

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