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Sagot :

Réponse :

La trajectoire politique de Victor Hugo dessine un ample mouvement d'une simplicité biblique. Installé bien à droite, à l'orée du siècle, Victor Hugo quitte la scène quatre-vingts ans plus tard en incarnant la plus pure des gauches républicaines. Il sera donc, tour à tour, le jeune poète prodige, soutien exalté de la monarchie légitime, sous les deux espèces de Louis XVIII et de Charles X. Puis, la monarchie de Juillet trouvera grâce à ses yeux, jusqu'à lui faire franchir le pas de la politique active. C'est comme pair de France, nommé par Louis-Philippe, qu'il découvre et éprouve ses talents d'orateur et de publiciste. Les dés roulent et la République, née de la Révolution de 48, le voit s'engager plus avant et briguer avec succès les suffrages des électeurs. D'abord partisan de Louis-Napoléon Bonaparte, il soutient sa candidature à l'élection présidentielle. Mais son républicanisme est désormais assez ancré pour que le coup d'Etat de 1851 le voit devenir, au prix d'un vertueux et interminable exil, l'adversaire le plus résolu, le plus véhément de Napoléon le Petit et de son Second Empire liberticide. Lorsque, après la débâcle de 1870, il revient en France, auréolé d'une gloire immense, nul ne songe à discuter son brevet de républicanisme. Mais, de surcroît, en prenant parti pour l'amnistie des communards, en se faisant le chantre de l'émancipation des hommes par l'éducation, en alertant sans relâche sur la "question sociale", en montant encore à l'assaut de tous les cléricalismes, Victor Hugo en vient non seulement à se transformer en icône de la République, mais encore à en incarner sa version la plus radicale.  

Comment faut-il comprendre cette évolution ? Correspondrait-elle à ce phénomène que le critique Albert Thibaudet avait nommé le "sinistrisme" et qui avait vu, tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, comme un mouvement irrépressible de "gauchisation" de la scène politique ? Le radicalisme poussant jusqu'au bout le républicanisme, puis se trouvant contesté sur sa gauche par le socialisme, lequel se voyait disputer la cause révolutionnaire par le communisme.

Une explication, en tout état de cause, doit être écartée : celle d'un Victor Hugo opportuniste, celle d'un Victor Hugo girouette, qui n'aurait, au fond, fait qu'épouser le mouvement général des idées du siècle, au meilleur de ses intérêts. Le test de sa probité, c'est évidemment la position qu'il adopte lorsque, avec la levée de la proscription, en 1859, la possibilité s'offre à lui de revenir de son exil. Sa réponse est simple et claire : il a quitté la France parce que la liberté était dans les fers, il ne reviendra que lorsqu'elle sera rétablie.  

Plus largement, et assez tôt, Victor Hugo est sommé de s'expliquer sur, disons, ses capacités d'adaptation aux circonstances. En 1830, par exemple, la "noble" attitude de Chateaubriand, qui fait de sa fidélité aux Bourbons la pierre de touche de son engagement et par voie de conséquence quitte la politique, ne lui échappe pas. Mais, sur la question du régime, Victor Hugo a déjà évolué. Il est sensible à l'idée républicaine, quoique faisant dépendre sa réalisation de l'éducation du peuple. Aussi bien, voit-il dans son ralliement à Louis-Philippe un propos d'étape : "Après 1830, il nous faut la chose République et le mot Monarchie." Plus largement, pour ceux qui ricanent de son évolution, il note : "Mauvais éloge d'un homme que de dire : son opinion politique n'a pas varié depuis quarante ans. C'est dire que pour lui, il n'y a ni expérience de chaque jour, ni réflexion, ni repli de la pensée sur les faits. C'est louer une eau d'être stagnante, un arbre d'être mort ; c'est préférer l'huître à l'aigle."

En esperant que cela t'aidera

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