Sagot :
Bonjour,
Pour créer, faut-il être original ?
L'art semble se définir non seulement par l'originalité, mais par d'autres qualités comme le désintéressement ou la re-création infinie. Cette dernière soulève l'objet de notre ultime développement : le rôle créateur du public dans l'art.
L'originalité semble nécessaire dans le sens où elle démarque une œuvre d'art d'un ensemble d'objet. C'est ensuite au public qu'appartient le devoir d'apprécier cette œuvre. Ainsi, les différentes interprétations d'un même morceau de Mozart s'expliquent par le fait que chaque musicien voit en ce morceau un sens différent pour chacun. Il en va de même pour un texte littéraire : par exemple la Bible, livre sacré des chrétiens, a été interprétée de nombreuses manières, et pour chacun de ses passages, et par chacun de ses lecteurs qui modifient leur façon de voir le monde et de vivre à la lumière des sens qu'ils lui donnent. En peinture, l'exemple de la Joconde étaye notre théorie : d'infinies significations ont été données au célèbre "demi-sourire" de Mona Lisa.
Or, chacun des sens que chaque spectateur donne à l'œuvre d'art qu'il se représente est vrai dans le sens où une œuvre d'art ne doit pas chercher à émettre une seule et même vérité : l'art doit être polysémique. C'est ainsi qu'il peut être considéré comme "universel", chacun peut y trouver un sens qui lui est propre. La perception du beau est aussi un critère déterminant dans notre analyse. Est-ce que ce qui est considéré comme beau est forcément original ? Non, puisqu'il existe un beau naturel qui n'est pas original dans le sens où il existe depuis des millénaires. La fleur est communément dite belle, alors qu'elle n'est pas originale, nouvelle. Mais certains trouveront telle variété de fleur belle, d'autres préféreront une autre : c'est la faculté du goût, qui dérive de la spiritualité de chacun, qui fait naître la multiplicité du beau et des goûts entre les personnes. On peut ainsi se demander s'il n'en est pas de même pour l'originalité que pour le goût. Comment définir l'originalité, puisque par exemple quelqu'un qui n'a jamais regardé de tableaux cubistes se trouvera surpris face au premier qu'il verra, alors que celui qui travaille au musée connait par cœur les plus grands tableaux cubistes ? Le premier trouvera le tableau cubiste original, puisqu'il n'a connu que des formes artistiques différentes (peintures classiques, baroques). Le second s'attachera plutôt à trouver l'originalité d'un tableau cubiste par rapport à un autre pour rendre compte de sa dimension artistique. L'originalité apparaît donc, à l'instar du goût, comme subjective dans le sens où elle dépend de la culture dans laquelle baigne le sujet.
En étudiant la question de la suffisance de l'originalité pour faire la valeur de l'art, nous nous apercevons que la réponse semble être non, puisqu'il existe simplement d'autres critères qui permettent d'apprécier l'entière valeur de l'art, ou plutôt les valeurs de l'art, chacune correspondant à un aspect caractéristique (unicité, désintéressement, originalité...). L'originalité apparaît comme un des fondements de ce qui fait que nous reconnaissons une œuvre d'art en tant que telle, mais elle ne suffit pas à en exposer toute la valeur et la complexité. Enfin, nous pouvons nous demande si finalement l'originalité, non pas dans le sens de l'identité singulière de l'artiste qui extériorise une partie de lui-même, mais dans le sens de surprise du public, de quelque chose qui sort de l'ordinaire, n'est finalement pas une notion subjective, comme le goût...