LE MASQUE DE LA MORT ROUGE – EDGAR ALLAN PO
relevez toute les expressionsse rapportant a la peur ,. Et ce fut peut-être aussi pour cela que plusieurs personnes
parmi cette foule, avant que les derniers échos du dernier coup fussent noyés dans le silence, avaient
eu le temps de s’apercevoir de la présence d’un masque qui jusque-là n’avait aucunement attiré
l’attention. Et, la nouvelle de cette intrusion s’étant répandue en un chuchotement à la ronde, il
s’éleva de toute l’assemblée un bourdonnement, un murmure significatif d’étonnement et de
désapprobation, - puis, finalement, de terreur, d’horreur et de dégoût.
Dans une réunion de fantômes telle que je l’ai décrite, il fallait sans doute une apparition
bien extraordinaire pour causer une telle sensation [...] Toute l’assemblée parut alors sentir
profondément le mauvais goût et l’inconvenance de la conduite et du costume de l’étranger. Le
personnage était grand et décharné (1), et enveloppé d’un suaire (2) de la tête aux pieds. Le masque
qui cachait le visage représentait si bien la physionomie d’un cadavre raidi, que l’analyse la plus
minutieuse aurait difficilement découvert l’artifice. Et cependant, tous ces fous joyeux auraient peutêtre supporté, sinon approuvé, cette laide plaisanterie. Mais le masque avait été jusqu’à adopter le
type de la Mort rouge. Son vêtement était barbouillé de sang, - et son large front, ainsi que tous les
traits de sa face, étaient aspergés de l’épouvantable écarlate.
Quand les yeux du prince Prospero tombèrent sur cette figure de spectre [...], on le vit
d’abord convulsé par un violent frisson de terreur et de dégoût ; mais, une seconde après, son front
s’empourpra de rage.
- Qui ose, - demanda-t-il, d’une voix enrouée, aux courtisans debout près de lui, - qui ose nous
insulter par cette ironie blasphématoire (3) ? Emparez-vous de lui, et démasquez-le - que nous
sachions qui nous aurons à pendre aux créneaux, au lever du soleil !
[...] Mais, par suite d’une certaine terreur indéfinissable que l’audace insensée du masque
avait inspirée à toute la société, il ne se trouva personne pour lui mettre la main dessus ; si bien que,
ne trouvant aucun obstacle, il passa à deux pas de la personne du prince ; et pendant que l’immense
assemblée, comme obéissant à un seul mouvement, reculait du centre de la salle vers les murs, il
continua sa route sans interruption, de ce même pas solennel et mesuré qui l’avait tout d’abord
caractérisé, de la chambre bleue à la chambre pourpre, - de la chambre pourpre à la chambre verte, -
de la verte à l’orange, - de celle-ci à la blanche, et de celle-là à la violette, avant qu’on eût fait un
mouvement décisif pour l’arrêter.
Ce fut alors, toutefois, que le prince Prospero, exaspéré par la rage et la honte de sa lâcheté
d’une minute, s’élança précipitamment à travers les six chambres, où nul ne le suivit ; car une terreur
mortelle s’était emparée de tout le monde. Il brandissait un poignard nu, et s’était approché
impétueusement (4) à une distance de trois ou quatre pieds (5) du fantôme qui battait en retraite,
quand ce dernier, arrivé à l’extrémité de la salle de velours, se retourna brusquement et fit face à
celui qui le poursuivait. Un cri aigu partit, - et le poignard glissa avec un éclair sur le tapis funèbre où
le prince Prospero tombait mort une seconde après.
Alors, invoquant le courage violent du désespoir, une foule de masques se précipita à la fois
dans la chambre noire ; et, saisissant l’inconnu, qui se tenait, comme une grande statue, droit et
immobile dans l’ombre de l’horloge d’ébène, ils se sentirent suffoqués par une terreur sans nom, en
voyant que sous le linceul et le masque cadavéreux, qu’ils avaient empoignés avec une si violente
énergie, ne logeait aucune forme palpable.
On reconnut alors la présence de la Mort rouge. Elle était venue comme un voleur de nuit. Et
tous les convives tombèrent un à un dans les salles de l’orgie inondées d’une rosée sanglante, et
chacun mourut dans la posture désespérée de sa chute.
Et la vie de l’horloge d’ébène disparut avec celle du dernier de ces êtres joyeux. Et les
flammes des trépieds expirèrent. Et les Ténèbres, et la Ruine, et la Mort rouge, établirent sur toutes
choses leur empire illimité.


Sagot :

Réponse :

Bonsoir

Explications :

Expressions se rapportant à la peur :

terreur - dégoût - fantômes - décharné - cadavre raidi - cette laide plaisanterie - s'empourpra de rage - terreur indéfinissable - une terreur - cri aigu - courage violent -