Dieu ne manifeste pas seulement sa grandeur ou puissance dans la machine de l’univers déjà construite mais aussi sa bonté ou sagesse dans le plan de la construction.
(...) Mais, dira-t-on, c'est le contraire que nous constatons dans le monde: c'est pour les meilleurs, bien souvent, que les choses vont le plus mal, ce ne sont pas seulement des bêtes innocentes, mais encore des hommes innocents qui sont accablés de maux, tués parfois même avec une extrême cruauté, si bien que le monde, surtout si l'on considère le gouvernement du genre humain, ressemble plutôt à un chaos confus qu'à l'œuvre bien ordonnée d'une sagesse suprême. Que telle soit la première apparence, je l'accorde. Mais dès qu'on examine les choses de plus près, l'opinion contraire s'impose. Il est a priori certain, par les arguments mêmes qui ont été exposés, que toutes choses et à plus forte raison les esprits reçoivent la plus grande perfection possible.
Il est en effet injuste, comme le disent les juristes, de juger avant d'avoir examiné la loi tout entière. Nous ne connaissons qu'une partie infime de l'éternité qui se prolonge dans l'immensité; car les quelques milliers d'années dont l'histoire nous a conservé la mémoire sont très peu de chose. Et cependant, c'est d'après cette expérience minime que nous jugeons témérairement de l'ensemble de l'immensité et de l'éternité, semblables à des hommes qui, nés et élevés dans une prison (...), croiraient qu'il n'y a pas dans le monde d'autre lumière que la méchantel? lampe, à peine suffisante pour diriger leurs pas. Regardons un très beau tableau, et couvrons-le ensuite de manière à n'en apercevoir qu'une minuscule partie: que verrons-nous dans celle-ci, même en l'examinant de très près et surtout même quand nous nous en approchons de plus en plus, sinon un amas confus de couleurs fait sans choix et sans art? Et cependant, en écartant le voile et en regardant le tableau tout entier de la distance convenable, on comprendra que ce qui avait l'air d'une tache faite au hasard sur la toile, est l'effet de l'art consommé du peintre. Ce qui arrive à l'œil dans la peinture, arrive également à l'oreille dans la musique. Les plus grands compositeurs entremêlent très souvent les accords de dissonances, pour exciter ou pour inquiéter l'auditeur qui, anxieux du dénouement, éprouve d'autant plus de joie, lorsque tout rentre dans l'ordre.
QUESTION
1) Quelle est l'idée principale de l'extrait ? La réponse doit être limitée à deux phrases au maximum.
2)Dans le deuxième paragraphe, Leibniz évoque la réaction des êtres humains lorsque ceux-ci considèrent le spectacle des « hommes innocents qui sont accablés de maux, tués parfois même avec une extrême cruauté ».Quelle conclusion en tirent-ils quant au «plan de la construction » de « la machine de l'univers » par Dieu? Ont-ils raison, selon Leibniz, de parvenir à une telle conclusion ?
3 ) En quoi consiste le principal argument de Leibniz tel qu'il est développé dans le troisième paragraphe?