ARTHENICE
th Dites mot Timagine, où aller vous tous deus d'un ar si pensi?
TIMAGENE
Au Consell où on nous appelle, et où la noblesse et tous les notables d'une part, et le peuple de
rautre, nous menacent cet honnête homme et moi, de nous nommer pour travailler aux lois, et
Favoue que mon incapacité me fait déjà trembler
MADAME SORBIN
Quoi, mon mari, vous allez faire des lois ?
MONSIEUR SORBIN
Helas, c'est ce qui se publie, et ce qui me donne un grand souci.
MADAME SORBIN
Pourquoi, Monsieur Sorbin ? Quoique vous soyez massif et d'un naturel un peu lourd, je vous al
toujours connu un très bon gros jugement qui viendra fort bien dans cette affaire-ci; et puis je me
persuade que ces Messieurs auront le bon esprit de demander des femmes pour les assister, comme
de raison.
MONSIEUR SORBIN.
Ah I Tais-toi avec tes femmes, il est bien question de rire !
MADAME SORBIN
Mais vraiment, je ne ris pas.
MONSIEUR SORBIN.
Tu deviens donc folle.
MADAME SORBIN.
Pardi, Monsieur Sorbin, vous êtes un petit élu du peuple bien impoli; mais par bonheur, cela se
passera avec une Ordonnance, je dresserai des lois aussi, moi.
MONSIEUR SORBIN, il rit.
Toi I Hé hé hé hé.
TIMAGENE, riant.
Hé hé hé hé...
ARTHENICE
Qu'y a-t-il donc là de si plaisant ? Elle a raison, elle en fera, j'en ferai moi-même.
TIMAGENE.
Vous, Madame ?
MONSIEUR SORBIN, riant.
Des lois !
ARTHENICE.
Assurément.
MONSIEUR SORBIN, riant.
Ah bien tant mieux, faites, amusez-vous, jouez une farce ; mais gardez-nous votre drôlerie pour une
autre fois, cela est trop bouffon pour le temps qui court.
TIMAGENE.
Pourquoi ? La gaieté est toujours de saison.
ARTHENICE.
La gaieté, Timagène ?
MADAME SORBIN.
Notre drôlerie, Monsieur Sorbin ? Courage, on vous en donnera de la drôlerie.
MONSIEUR SORBIN.
Laissons-là ces rieuses, Seigneur Timagène, et allons-nous-en; adieu, femme, grand merci de ton
assistance.
La Colonie, Marivaux, Scène 2