Le 23 février 2021 le Guardian révèle qu’au moins 6500 travailleurs étrangers sont morts sur les chantiers de construction depuis l’attribution de la Coupe du monde au Qatar, en 2010. L’effroi ! D’autant que ce nombre de décès est sans doute minimisé : dans leur enquête, les journalistes anglais, qui se sont notamment fondés sur des données collectées auprès des autorités du Sri Lanka, du Népal, du Bangladesh, de l’Inde ou encore du Pakistan, n’ont pu obtenir d’informations d’autres grands pourvoyeurs de main-d’œuvre, comme le Kenya ou les Philippines. 97 mots

Esclavage. De son côté, le Qatar dément fermement. Selon ses chiffres, 37 décès sont directement liés aux chantiers de construction des sept nouveaux stades de la Coupe du monde. Et encore, parmi ceux-ci, 34 ne sont pas considérés comme des accidents de travail. Les travailleurs immigrés qui auraient perdu la vie sur les chantiers de la Coupe du monde n’auraient donc été que … trois. Bizarre. A croire que les 15000 décès au sein de la population étrangère entre 2010 et 2019 recensés officiellement par l’émirat sont tous des morts naturelles… Les autorités qataries refusent encore aujourd’hui de mener une enquête exhaustive à ce sujet.107 mots

Dans cette bataille de chiffres, la pétromonarchie peut compter sur l’appui de la Fifa (à laquelle Amnesty International réclame 440 millions de dollars de dommages et intérêts pour indemniser les travailleurs et les protéger de futurs abus), mais aussi, et c’est plus surprenant, de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui ne cesse de mettre en avant les progrès accomplis.62 mots

Pour mieux comprendre l’alignement progressif de l’OIT sur la position qatarie, il faut revenir quelques années en arrière. Dès 2013, syndicats, ONG et journalistes alertent sur les traitements indignes réservés aux ouvriers sur les chantiers du Mondial, comparables à de l’esclavage moderne. La faute, entre autres, à un Code du travail d’un autre âge, régi par la kalafa, un outil de servitude qui permet aux employeurs qataris de confisquer le passeport des migrants à l’embauche ou encore de leur interdire de quitter l’entreprise.89 mots

En juin 2014, l’OIT s’en mêle. Plusieurs syndicats membres de l’organisation portent plainte pour « non-respect par le Qatar de deux conventions sur le travail forcé et l’Inspection du travail » et réclament la création d’une commission d’enquête. Ça sent le gaz pour le Qatar, qui s’active alors.54 mots

Prodigalité. Après trois ans de négociations, la plainte est, comme par magie, classée sans suite en novembre 2017. A la place, un bureau est ouvert à Doha, avant que l’OIT annonce une mission de coopération technique avec l’émirat, chargée de régler les épineuses questions de la kafala et du salaire des travailleurs migrants. Pour sauver leur Coupe du monde, les cheikhs lâchent du lest sur le plan social et mettent la main à la poche. Le Qatar indique qu’il mobilisera 1 million de dollars pour permettre au programme de fonctionner. Sauf qu’en 2020 Luc Cortebeeck, un syndicaliste belge qui a travaillé avec l’OIT, vend benoîtement la mèche dans un livre consacré à sa carrière : ce n’est pas 1 mais 25 millions de dollars qui ont été versés, sur trois ans, par le Qatar à l’OIT ! « Voyages, nuits d’hôtel, financement de missions… Cet argent a servi à beaucoup de choses, mais certainement pas aux travailleurs, estime Abdoullah Zouhair, un ancien juriste (devenu lanceur d’alerte) du BIT, le secrétariat de l’OIT. C’est une honte. Rien ne justifiait que l’OIT accepte une telle prodigalité. » 193 mots

Sur le papier, en tout cas, le Qatar tient parole et annonce, en 2019, sous les vivats de l’OIT, l’abolition de la kafala et l’instauration d’un salaire minimum de 230 euros. Les forçats des chantiers bénéficient aussi de logements enfin décents et de l’interdiction de travailler sous de trop fortes chaleurs. Mais, malgré ces réformes, l’application des mesures reste à géométrie variable pour les 2 millions de travailleurs immigrés (pour 300 000 ressortissants qataris) que compte le pays.84 mots

Le travail forcé continue d’être dénoncé par les ONG, notamment concernant les agents de sécurité au Qatar, « y compris dans des projets liés à la Coupe du monde de football 2022. » Même l’OIT estime que les lois qataries « ne sont pas toujours appliquées ». C’est dire.48 mots

Le Canard enchaîné, octobre 2022
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Pouvez vous m’aider je n’arrive pas à faire la contraction merci d’avance pour ceux qui m’aideront et il y’a 183 mots