Vous devez préparer l'introduction de cette analyse linéaire, en réfléchissant à un projet de lecture et en découpant le texte en mouvements.
83 (VI)
Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes,
l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut 2
, la
démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait
répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement 3
tout ce qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir, et se mouche
avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut.
Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en
compagnie. Il occupe à table et à la promenade plus de
place qu’un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses
égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et
l’on marche : tous se règlent sur lui. Il interrompt, il redresse 4
ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi
longtemps qu’il veut parler ; on est de son avis, on croit les
nouvelles qu’il débite. S’il s’assied, vous le voyez s’enfoncer
dans un fauteuil, croiser les jambes l’une sur l’autre, froncer
le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir
personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté
1. La dépense : La Bruyère fait allusion aux dépenses que la noblesse (de robe
ou d’épée) devait faire pour tenir son rang et maintenir sa réputation.
2. L’estomac haut : la poitrine bombée.
3. Il ne goûte que médiocrement : il n’apprécie que moyennement.
4. Redresse : reprend, corrige.