« Selon vous, l’image donnée de l’ennemi dans le document B est-elle proche de celle donnée dans le texte ? Développez votre réponse. »
A. TEXTE
Paul, le narrateur, a poignardé un soldat francais qui avait cherché refuge dans le même trou d'obus que lui lors d'un bombardement. Après une interminable agonie, et malgré les efforts de Paul pour le soigner, l'homme meurt. Paul se retrouve coincé dans son trou à côté du cadavre.
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Le silence se prolonge. Je parle, il faut que je parle. C'est pourquoi je m'adresse à lui,
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en lui disant: "Camarade, je ne voulais pas te tuer. Si, encore une fois, tu sautais dans
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ce trou, je ne le ferais plus, à condition que toi aussi tu sois raisonnable. Mais d'abord
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tu n'as été pour moi qu'une idée, une combinaison née de mon cerveau et qui a suscité
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une résolution : c'est cette combinaison que j'ai poignardée. A présent je m'aperçois
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pour la première fois que tu es un homme comme moi. J'ai pensé à tes grenades, à ta
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baïonnette et à tes armes; maintenant c'est ta femme que je vois, ainsi que ton visage
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et ce qu'il y a en nous de commun. Pardonne-moi, camarade. Nous voyons les choses
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toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi,
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de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et
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que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes
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souffrances ? Pardonne-moi, camarade; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous
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jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère, tout comme Kat et Albert.
14 Prends vingt ans de ma vie, camarade et lève-toi... Prends-en davantage, car je ne sais
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pas ce que, désormais, j'en ferai encore." Tout est calme. Le front est tranquille, à
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l'exception du crépitement des fusils. Les balles se suivent de près; on ne tire pas
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n'importe comment; au contraire, on vise soigneusement de tous les côtés. Je ne puis
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pas quitter mon abri. "J'écrirai à ta femme, dis-je hâtivement au mort. Je veux lui écrire ; c'est moi qui lui apprendrai la nouvelle; je veux tout lui dire, de ce que je te dis; il ne
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faut pas qu'elle souffre; je l'aiderai, et tes parents aussi, ainsi que ton enfant..." Son
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uniforme est encore entrouvert. Il est facile de trouver le portefeuille. Mais j'hésite à
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l'ouvrir. Il y a là son livret militaire avec son nom. Tant que j'ignore son nom, je pourrai
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peut-être encore l'oublier; le temps effacera cette image. Mais son nom est un clou
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qui s'enfoncera en moi et que je ne pourrai plus arracher. Il a cette force de tout
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rappeler, en tout temps; cette scène pourra toujours se reproduire et se présenter
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devant moi. Sans savoir que faire, je tiens dans ma main le portefeuille. Il m'échappe et s'ouvre. Il en tombe des portraits et des lettres. [...]. Ce sont les portraits d'une femme et d'une petite fille, de menues photographies d'amateur prises devant un mur
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de lierre. A côté d'elles il y a des lettres. Je les sors et j'essaie de les lire. Je ne
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comprends pas la plupart des choses; c'est difficile à déchiffrer et je ne connais qu'un
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peu de français. Mais chaque mot que je traduis me pénètre, comme un coup de feu
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dans la poitrine, comme un coup de poignard dans le cœur. Ma tête est en proie à une
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violente surexcitation. Mais j'ai encore assez de clarté d'esprit pour comprendre qu'il
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ne me sera jamais permis d'écrire à ces gens-là, comme je le pensais précédemment.
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C'est impossible. Je regarde encore une fois les portraits; ce ne sont pas des gens
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riches. Je pourrai leur envoyer de l'argent anonymement, si plus tard j'en gagne un
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peu. Je m'accroche à cette idée : c'est là du moins pour moi un petit point d'appui. Ce
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mort est lié à ma vie; c'est pourquoi ie dois tout faire et tout promettre, pour me
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sauver; je jure aveuglément que je ne veux exister que pour lui et pour sa famille. [...]
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J'ouvre le livret et je lis lentement : "Gérard Duval, typographe." l'inscris avec le crayon
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du mort l'adresse sur une enveloppe, et puis, soudain, je m'empresse de remettre le
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tout dans sa veste. J'ai tué le typographe Gérard Duval. Il faut que je devienne
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typographe, pensé-je tout bouleversé, que je devienne typographe, typographe...