Le refuge de Tante Martine
À tous les séjours que lui offrait notre vieille demeure, Tante Martine
préférait les combles. Elle s'y élevait tous les après-midi et y séjournait
bien souvent jusqu'à l'arrivée des premières ombres. C'était son refuge
de prédilection, son paradis. Là s'alignaient d'antiques malles cloutées
s de cuivre et revêtues de poils de chèvre. Des malles centenaires. Elles
étaient bourrées de vieux habits: jaquettes à fleurs, gilets de satin, den-
telles jaunies, broderies, escarpins à boucles d'argent, bottes vernies. Et
quelles robes! Toutes soies roses, côtes lamées, paillettes d'or, rubans
puce, feu, pourpres! Couleurs fanées, sans doute, et qui sentaient le vieux,
o mais de quel charme! Car tout cela fleurait encore la lavande et la
pomme reinette. J'en raffolais. Et ce n'étaient pas les seules merveilles!
De vénérables portraits de famille pendaient à un clou. Dans un coin
s'empilait de la vaisselle peinte. Deux chandeliers d'argent reposaient su
un coffre d'ébène. Des livres reliés de cuir gisaient sur le plancher par-
un monceau de papiers jaunis, où nichaient les rats...