Bonjour, je suis en terminale HLP et le professeur nous a donné un DM, qui est une question de réflexion en philosophie: Est-ce en se racontant que le moi se conquiert lui-même?
Je vous joint le texte associé:

l s’agit d’un extrait de la confession de Lorenzo à Philippe Strozzi. En effet, Lorenzo tombe le
masque de Lorenzaccio, l’acolyte du Duc, pour informer son ami républicain de son projet
d’assassinat visant justement à permettre le retour de la République à Florence. Mais au-delà de
cette révélation, Lorenzo s’adresse aussi bien à Philippe qu’à lui-même afin d’échapper aux
tourments de sa conscience et aux discours que l’on peut tenir sur lui. Par-delà le masque du
débauché ou l’aspiration à l’héroïsme, il s’agit ici de se dire en toute authenticité et de donner sens
à son projet. Cependant, il reste lucide sur la possibilité que son geste ne soit pas compris.
« Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? Veux-tu donc que je m’empoisonne, ou que je saute
dans l’Arno? Veux-tu donc que je sois un spectre, et qu’en frappant sur ce squelette... (Il frappe sa
poitrine.) il n’en sorte aucun son? Si je suis l’ombre de moi-même, veux-tu donc que je rompe le
seul fil qui rattache aujourd’hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d’autrefois! Songes-tu
que ce meurtre, c’est tout ce qui me reste de ma vertu? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur
un rocher taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d’herbe où j’aie pu cramponner mes ongles?
Crois-tu donc que je n’aie plus d’orgueil, parce que je n’ai plus de honte, et veux-tu que je laisse
mourir en silence l’énigme de ma vie? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon
apprentissage du vice pouvait s’évanouir, j’épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs — mais
j’aime le vin, le jeu et les filles, comprends-tu cela? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me
parles, c’est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà
assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d’infamie; voilà assez
longtemps que les oreilles me tintent, et que l’exécration des hommes empoisonne le pain que je
mâche. J’en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom, qui m’accablent d’injures pour se
dispenser de m’assommer, comme ils le devraient. J’en ai assez d’entendre brailler en plein vent le
bavardage humain; il faut que le monde sache un peu qui je suis, et qui il est. Dieu merci, c’est
peut-être demain que je tue Alexandre; dans deux jours j’aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi
avec des yeux louches, comme autour d’une curiosité monstrueuse apportée d’Amérique, pourront
satisfaire leur gosier, et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu’ils
agissent ou n’agissent pas, j’aurai dit tout ce que j’ai à dire; je leur ferai tailler leurs plumes, si je ne
leur fais pas nettoyer leurs piques, et l’Humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué
en traits de sang. Qu’ils m’appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas
qu’ils m’oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la
tête en m’entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d’Alexandre —
dans deux jours, les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté. »
Alfred Musset, Lorenzaccio, Acte III, scène 3, p. 145 à 146 édition GF

Merci beaucoup pour votre aide.