On a voulu ouvrir l'école sur la vie : c'est la violence qui est entrée. On a voulu que les
enfants s'expriment, se libèrent, s'affirment: c'est la violence qui en a profité. Ce sont les
pédagogues qui sont stupides ou les enfants qui sont méchants ? Ni l'un ni l'autre. Mais l'erreur
de ceux là fut de croire en la bonté de ceux-ci. Les enfants ne sont ni bons ni méchants. Ils
contraintes, quand il y en a, et il faut qu'il y en ait. La liberté n'est pas un point de départ : c'est
un point d'arrivée. On ne nait pas libre, on le devient.
Comment? Par la soumission à une règle qu'on s'est donnée, ou plutôt qu'on a reçue
d'abord, puis intériorisée, puis assumée. C'est ce que montre ROUSSEAU. C'est ce que montre
10 KANT. C'est ce que montre FREUD, se laisser aller à la nature, aux instincts, aux pulsions, c'est
être esclave de son corps, autrement dit de l'animalité. Obéir à la loi qu'on s'est prescrite,
comme dit ROUSSEAU, c'est être libre. Mais qui le pourrait, si la loi n'était déjà là ? C'est trop
demandé à un enfant que de vouloir qu'il réinvente vingt mille ans de civilisation. Que chacun
doive refaire pour son compte le chemin, c'est une évidence. Mais comment le pourrions-nous,
45 si le chemin n'était d'abord marqué, balisé, imposé ? Toutes ces valeurs qui sont les nôtres,
nous ne les avons pas inventées : nous les avons reçues, et c'est à nous maintenant de les
transmettre. C'est la fonction de l'éducation. C'est la fonction de la famille. C'est la fonction de
l'école. Dans la liberté ? Dans la contrainte ? L'une et l'autre. Supprimer la contrainte, ce n'est
pas la liberté qui apparait : c'est de la bêtise, de l'égoïsme, de la violence, et ce qu'on appelle la
20 barbarie.
-
Un de mes amis, vieux soixante-huitard¹, me parle de l'éducation ratée de ses enfants,
de leur échec scolaire, de leur toxicomanie, de leur détresse... « Ce que j'ai fini par
comprendre, m'explique-t-il, c'est qu'un enfant, quand il se heurte à un mur, il faut qu'il
comprenne que ça fait mal. Mais chez nous, tu vois, il n'y a pas de murs... »>. L'amour ne suffit
25 pas. La liberté ne suffit pas. On a besoin de règles, de contraintes, d'interdits. Comment
autrement se construire ? Comment surmonter la bête en soi ? Ce n'est pas le pouvoir qui est
fasciste, comme on le croyait en 1968. C'est l'absence de pouvoir qui est pathogène, pour les
enfants, et qui fait le lit du fascisme pour les sociétés,
Cela vaut aussi et davantage pour l'école. Aucun maitre ne peut enseigner valablement,
30 s'il doit en permanence se battre pour prendre ou pour garder le pouvoir. Il faut donc qu'il l'ait
d'abord, qu'on le lui donne, qu'on de lui garantisse. L'école n'est pas une démocratie, où les plus
nombreux l'emporteraient. Elle ne peut pas l'être. Elle ne doit pas l'être. L'école est un lieu de
transmission de connaissance, de travail, d'obéissance : c'est à cette condition seulement
qu'elle sera libre et libératrice.
André COMTE DE SPONVILLE, Le Figaro magazine n° 32, 1997.
Questions (10 pts)
1. Identifież puis justifiez le thème de ce texte à l'aide d'indices précis (2pts)
2.
Analysez dans ce texte respectivement un indice explicite, un indice implicite (à
l'exclusion du « on ») par lesquels le locuteur s'implique et un autre par lequel il
interpelle son destinataire (3 pts)
3. Étudiez la valeur d'emploi du pronom indéfini « on » dans le premier et le dernier
paragraphe du texte (2 pts)
(4.
4. Relevez puis interprétez dans un premier temps, un procédé qui situe cet énoncé dans
l'espace et dans un second temps, un autre qui le situe dans le temps (2 pts)
5. égagez et reformulez la thèse défendue par l'auteur (1 pt)
mode de certaines valeurs fondamentales