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Le mot Je est le sujet, apparent ou caché, de toutes nos pensées. Quoi que je tente de
dessiner ou de formuler sur le présent, le passé ou l'avenir, c'est toujours une pensée de
moi que je forme ou que j'ai, et en même temps une affection ¹ que j'éprouve. Ce petit mot
est invariable dans toutes mes pensées. « Je change », « je vieillis », « je renonce », « je
me convertis »> ; le sujet de ces propositions est toujours le même mot. Ainsi la
proposition : « je ne suis plus moi, je suis autre », se détruit elle-même. De même la
proposition fantaisiste : « je suis deux », car c'est l'invariable Je qui est tout cela. D'après
cette logique si naturelle, la proposition « Je n'existe pas » est impossible. Et me voilà
immortel, par le pouvoir des mots. Tel est le fond des arguments par lesquels on prouve
que l'âme est immortelle; tel est le texte des expériences prétendues, qui nous
font retrouver le long de notre vie le même Je toujours identique.
ALAIN, Les Passions et la sagesse
1. Affection: Manière (particulière ou accidentelle) dont un être, une chose sont affectés ou modifiés.
Dans le contexte synonyme de « modification ».
Remarque. Les différents points qui suivent ne constituent des questions ou consignes indépendantes les unes des
autres. Les lire toutes avant de commencer et s'assurer de la cohérence des réponses entre elles.
I.ELEMENTS D'ANALYSE:
1. << Quoi que je tente de dessiner ou de formuler sur le présent, le passé ou l'avenir,
c'est toujours une pensée de moi que je forme ou que j'ai, et en même temps une
affection que j'éprouve. » (1.1-3)
Cette phrase pose une tension entre une idée de continuité, de permanence d'une
part («< toujours ») et celle de changement, de modification d'autre part
(<< affection >>).
Établissez en quoi et comment les illustrations aux lignes 4-5 («< ...« Je change »>, <«<
je vieillis »>, << je renonce », « je me convertis » ...) éclairent et permettent de
préciser le sens de cette tension.
2. << Quoi que je tente de dessiner ou de formuler (...) c'est toujours une pensée de
moi que je forme ou que j'ai... >>
a) A quoi est due, selon le texte, la certitude de demeurer toujours « le même >> ?
Vous veillerez, pour organiser votre réponse, à prendre en compte tout au long du
texte ce qui sera finalement désigné comme « le pouvoir des mots »> (1.9). Pouvoir
que vous éluciderez.
b) La dernière phrase du texte évoquera « ...le texte des expériences prétendues,
qui nous font retrouver le long de notre vie le même Je toujours identique. »>. A la
lumière des analyses précédentes (tout particulièrement 1), justifiez que l'auteur
qualifie de « prétendues » les expériences de notre identité. En quoi consisterait
alors les expériences effectives, « vraies » que nous avons de notre vie et que nous
font-elles connaître ?
II. ELEMENTS DE SYNTHESE
1. Quel serait le thème du texte ? (autrement dit, à quel notion est-il consacré?)
2. Quelle serait la question à laquelle il s'attache ?


Sagot :