résumé à faire à partir de ce texte : Fatalement, le romancier tue le héros s'il n'accepte que le train ordinaire de l'existence commune.
2 Par héros, j'entends les personnages grandis outre mesure, les pantins changés en colosses. Quant
3 on se soucie peu de la logique, du rapport des choses entre elles, des proportions précises de toutes
les parties de l'oeuvre, on se trouve bientôt emporté à vouloir faire preuve de force, à donner tout
S son sang et tous ses muscles au personnage pour lequel on éprouve des tendresses particulières. De
là, ces grandes créations, ces types hors nature, debout, et dont les noms restent. Au contraire les
bonshommes se rapetissent et se mettent à leur rang, lorsqu'on éprouve la seule préoccupation
8 d'écrire une œuvre vraie, pondérée, qui soit le procès verbal fidèle d'une aventure quelconque. Si
9on a l'oreille juste en cette matière, la première page donne le ton des autres pages, une tonalité
lo harmonique s'établit, au-dessus de laquelle il n'est plus permis de s'élever, sans jeter la plus
abominable des fausses notes. On a voulu la médiocrité courante de la vie, et il faut y rester...
Le romancier naturaliste affecte de disparaître complètement derrière l'action qu'il raconte. Il est le
metteur en scène caché du drame; jamais il ne se monte au bout d'une phrase ; on ne l'entend ni
rire ni pleurer avec ses personnages, pas plus qu'il ne se permet de juger leurs actes; c'est même cet
apparent désintéressement qui est le trait le plus distinctif. On chercherait en vain une conclusion,
une moralité, une leçon quelconque tirée des faits. Il n'y a d'étalés, de mis en lumière, uniquement
les faits louables ou condamnables. L'auteur n'est pas un moraliste, mais un anatomiste qui se
contente de dire ce qu'il trouve dans le cadavre humain. Les lecteurs concluront, s'ils veulent,
chercheront la vraie moralité, tâcheront de tirer une leçon du livre. Quant au romancier, il se tient à
l'écart, surtout par un motif d'art, pour laisser à son oeuvre une unité impersonnelle, son caractère
de procès verbal écrit à jamais sur le marbre.