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Voici le texte d'un poème de Paul Verlaine, non mis
en forme.


Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant d'une femme
inconnue, et que j'aime, et qui m'aime et qui n'est, chaque
fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et
m'aime et me comprend. Car elle me comprend, et mon
coeur, transparent pour elle seule, hélas ! cesse d'être un
problème pour elle seule, et les moiteurs de mon front
blême, elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle
brune, blonde ou rousse? - Je l'ignore. Son nom? Je me
souviens qu'il est doux et sonore comme ceux des aimés
que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues,
et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a l'in-
flexion des voix chères qui se sont tues.
D'après Paul Verlaine, «Mon rêve familier>>,
Poèmes saturniens, 1866.

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