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Et nous arrivons à l'affaire Esterhazy. Trois ans se sont passés, beaucoup de
consciences restent troublées profondément, s'inquiètent, cherchent, finissent par se
convaincre de l'innocence de Dreyfus.
Je ne ferai pas l'historique des doutes, puis de la conviction de M. Scheurer-Kestner.
Mais, pendant qu'il fouillait de son côté, il se passait des faits graves à l'état-major
même. Le colonel Sandherr était mort, et le lieutenant-colonel Picquart lui avait succédé
comme chef du bureau des renseignements. Et c'est à ce titre, dans l'exercice de ses
fonctions, que ce dernier eut un jour entre les mains une lettre-télégramme, adressée au
commandant Esterhazy, par un agent d'une puissance étrangère. Son devoir strict était
d'ouvrir une enquête. La certitude est qu'il n'a jamais agi en dehors de la volonté de ses
supérieurs. Il soumit donc ses soupçons à ses supérieurs hiérarchiques, le général
Gonse, puis le général de Boisdeffre, puis le général Billot, qui avait succédé au général
Mercier comme ministre de la guerre. Le fameux dossier Picquart, dont il a été tant parlé,
n'a jamais été que le dossier Billot, j'entends le dossier fait par un subordonné pour son
ministre, le dossier qui doit exister encore au ministère de la guerre. Les recherches
durèrent de mai à septembre 1896, et ce qu'il faut affirmer bien haut, c'est que le général
Gonse était convaincu de la culpabilité d'Esterhazy, c'est que le général de Boisdeffre et
le général Billot ne mettaient pas en doute que le fameux bordereau fût de l'écriture
d'Esterhazy. L'enquête du lieutenant-colonel Picquart avait abouti à cette constatation
certaine. Mais l'émoi était grand, car la condamnation d'Esterhazy entraînait
inévitablement la révision du procès Dreyfus; et c'était ce que l'état-major ne voulait à
aucun prix. [...].
À Paris, la vérité marchait, irrésistible, et l'on sait de quelle façon l'orage attendu
éclata. M. Mathieu Dreyfus dénonça le commandant Esterhazy comme le véritable
auteur du bordereau, au moment où M. Scheurer-Kestner allait déposer, entre les mains
du garde des sceaux, une demande en révision du procès. Et c'est ici que le
commandant Esterhazy paraît. Des témoignages le montrent d'abord affolé, prêt au
suicide ou à la fuite. Puis, tout d'un coup, il paye d'audace, il étonne Paris par la violence
de son attitude. C'est que du secours lui était venu, il avait reçu une lettre anonyme
l'avertissant des menées de ses ennemis, une dame mystérieuse s'était même dérangée
de nuit pour lui remettre une pièce volée à l'état-major, qui devait le sauver. Et je ne puis
m'empêcher de retrouver là le lieutenant-colonel du Paty de Clam, en reconnaissant les
expédients de son imagination fertile. Son œuvre, la culpabilité de Dreyfus, était en péril,
et il a voulu sûrement défendre son œuvre. La révision du procès, mais c'était
l'écroulement du roman-feuilleton si extravagant, si tragique, dont le dénouement
abominable a lieu à l'île du Diable ! C'est ce qu'il ne pouvait permettre. Dès lors, le duel va
avoir lieu entre le lieutenant-colonel Picquart et le lieutenant-colonel du Paty de Clam, l'un
le visage découvert, l'autre masqué. On les retrouvera prochainement tous deux devant
la justice civile. Au fond, c'est toujours l'état-major qui se défend, qui ne veut pas avouer
son crime, dont l'abomination grandit d'heure en heure.
1. Quel est selon vous l'enjeu principal de cet extrait de texte ? Qu'est-ce que Zola cherche à
faire ici ? (4 points).
2. Trouvez au moins 3 axes importants du texte autour desquels vous voudriez travailler.
Développez votre réponse en 2 lignes pour chaque axe. Aidez-vous du travail sur Du Paty de
Clam. (3 points).

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