Je passai un été oisif, partageant mon temps entre la lecture des romans et les bavardages en
famille. Je me passionnai pour Dostoievski. La lecture de L'Idiot me bouleversa. Je m'étonnai
qu'un auteur si étranger à moi, si éloigné dans le temps et dans l'espace, eût trouvé des mots
dont la justesse et l'acuité touchaient si fort mon cœur. Mon propre mal de vivre y trouvait un
écho fraternel. Je n'étais plus seule mais en compagnie d'êtres que la souffrance élevait au-dessus
du commun. Je considérais ma famille -que je trouvais terre à terre- avec un rien de
condescendance. Je m'agaçais des préoccupations par trop matérielles de ma mère, je ne
supportais plus d'entendre mon beau-père parler sans cesse d'argent et de bénéfices. Je me
considérais comme la noble fleur de lotus, forcée de tremper ses racines dans la vase. J'avais la
nostalgie du couvent des Oiseaux de Dalat. Là-haut, tout était beau.
Identifier et justifier les valeurs d’emploi des deux principaux temps/mode du paragraphe.