Rédaction
Sujet d'invention
Sujet
Inventez la réponse à cette lettre, réelle, d'un soldat français.
Vous êtes libre de choisir la personne qui répondra à Étienne : son père, sa mère, son épouse, son
frère, son ami...
Jeudi 28 janvier 1915
J'erre, toujours aussi incapable d'écrire. J'ai eu hier matin votre lettre du 23 et j'ai
mis une enveloppe hier soir.
Il gèle épouvantablement ce matin, sans que j'arrive à me réchauffer les doigts. S'il
n'y avait encore que les doigts de gelés; mais le bonhomme ne vaut guère mieux, et le
cafard est pire que la gelée.
Car j'ai le cafard, vous vous en doutez. Il y a de quoi, et la perspective de retourner
ce soir au front, dans le vieux secteur du bois carré, et de reprendre la vie souterraine,
nocturne et marécageuse, n'est pas pour le chasser.
Voilà six mois bientôt que ça dure, six mois, une demi-année qu'on traîne entre vie et
mort, jour et nuit, cette misérable existence qui n'a plus rien d'humain; six mois et il
n'y a aucun espoir, six mois que tout est à recommencer, sans cesse. Nous n'en sommes
qu'au début de la tragédie dont le premier acte commencera au printemps. Alors, les
canons seront prêts, et la boucherie reprendra plus sanglante que jamais. Et pourquoi
tout ce massacre ?
Hier, ou avant-hier, au rapport, on a lu des lettres de prisonniers boches. Pourquoi?
je n'en sais rien, car elles sont les mêmes que les nôtres. La misère, le désespoir de la
paix, la monstrueuse stupidité de toutes ces choses. Ces malheureux sont comme nous.
Les Boches, ils sont comme nous et le malheur est pareil pour tous.
Il y a des gens qui cependant aiment la boucherie et, l'autre jour, L'Intransigeant
publiait avec force détails et éloges les exploits de notre armée dans une tranchée
boche. C'est écoeurant. Quand on pense qu'il y a des lecteurs pour ça, que peut-on
espérer ?
Nous redevenons des brutes sauvages: je le sens chez les autres, je le sens chez moi.
Je deviens indifférent, sans goût, j'erre, je tourne, je ne sais ce que je fais. Et quand
un souffle passager vient secouer les cendres, et rallumer la braise, alors je suis si
écoeuré que j'en suis encore plus malheureux.
Je vous embrasse.
Étienne
Qui pourrait répondre à cette lettre ?